Scène française

Bol d’air frais

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 577 mots

Avec « Airs de Paris », le Centre Pompidou se penche sur l’art en train de se faire à Paris, avec une certaine réussite.

 PARIS - Cela faisait longtemps que nous l’attendions, pour ne pas dire que nous l’espérions : le Centre Pompidou propose enfin, à travers une exposition, sa vision – mise en perspective – de la scène artistique contemporaine à Paris. En d’autres termes, nous attendions que cette institution phare en France prenne réellement position sur l’art en train de se faire… à ses pieds. Et nous avons eu raison d’attendre : l’exposition « Airs de Paris » aujourd’hui présentée au 6e étage du Centre est une réussite. En premier lieu, en raison de la sélection, mais aussi des artistes plasticiens eux-mêmes, de leur travail. Mises en valeur par un accrochage bien pensé, les œuvres dialoguent entre elles avec intelligence et se révèlent dans toute leur dimension.
Le parcours débute par une vraie salle d’introduction, selon un mode opératoire emprunté à la littérature. Ici est présentée la fameuse fiole de verre de Duchamp, Air de Paris, accompagnée des silhouettes adhésives de Richard Fauguet qui évoquent quelques œuvres contemporaines, parmi lesquelles ce même ready-made de Duchamp. La salle est encadrée par deux date paintings [peintures de date] ; l’une, signée d’On Kawara, est datée de 1977, année d’ouverture du Centre Pompidou, tandis que l’autre, de 2007, est un clin d’œil d’Olivier Babin au maître de l’art conceptuel. L’exposition est surtout construite à partir d’œuvres existantes, à quelques exceptions près, comme cette Cabane éclatée aux Paysages Fantômes, fruit d’un travail commun à Daniel Buren et Xavier Veilhan qui a fait l’objet d’un don de la Société des amis du musée. Cette collaboration entre le maître et l’élève – Veilhan a été l’étudiant de Buren à l’Institut des hautes études en arts plastiques – est tout à fait saisissante.
La force de l’exposition tient aussi à l’intégration d’artistes qui ont travaillé temporairement en France ou qui se sont inspirés de Paris, sans véritablement appartenir à la scène hexagonale. Ainsi du peintre polonais Wilhelm Sasnal, qui a bénéficié en 2006 d’une résidence au couvent des Cordeliers, à Paris, ou de Thomas Demand dont est projeté le film Tunnel (1999), évocation du tunnel sous la place de l’Alma où Lady Diana perdit la vie.
« Airs de Paris » se lit comme un livre, chapitre après chapitre, des « Nouveaux langages publics et cultures populaires urbaines » à « Individu et réseau globalisé », en passant par « Écologie urbaine et biotechnologies : de la nature à l’artifice ». À l’heure où le nouveau président de la République entend introduire un « ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale », l’exposition vient répondre avec une section « Identités et communautés » qui remet les pendules à l’heure avec, entre autres, Saâdane Afif, Franck Scurti et Adel Abdessemed ; ce dernier conclut l’exposition par un sobre Exil.
Seule la partie consacrée au design et à l’architecture paraît problématique (lire l’encadré). Apparaissant comme une pièce rapportée, avec sa propre commissaire (Valérie Guillaume), elle sert d’alibi à une fausse pluridisciplinarité. Si jouer sur les relations entre différents médiums peut être enrichissant, encore faut-il favoriser le dialogue. Et ce n’est malheureusement pas le cas ici.

AIRS DE PARIS

Jusqu’au 15 août, Centre Pompidou, Galerie 1, niveau 6, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, tlj sauf mardi 11h-21h, le jeudi 11h-23h, www.centrepompidou.fr. Catalogue, 360 p., 39,90 euros, ISBN 978-2-84426-325-4 - Commissaire général : Alfred Pacquement - Commissaires art : Christine Macel et Daniel Birnbaum - Scénographie : Laurence Fontaine - Nombre d’artistes : 59 - Nombre d’œuvres : 134

Design et architecture de côté

Qui trop embrasse mal étreint. C’est le risque des expositions dites « pluridisciplinaires », et « Airs de Paris » n’échappe pas à la règle. Déployée sur 500 m2, soit un quart de l’exposition, sa section architecture, design, paysage et urbanisme tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. En une quinzaine de pièces (seulement), celle-ci entend balayer « les enjeux actuels de recherche et de création ». La démonstration se fait donc urbi (« Strates territoriales ») et orbi (« Horizons ascensionnels »), flirte avec l’intime (« Sphères corporelles ») et n’oublie pas, « air » du temps oblige, l’inévitable problématique écologique (« Paysages verticaux »). Mais le visiteur a franchement du mal à trouver un quelconque fil conducteur. Qu’y a-t-il de commun entre un kit domestique de remise en forme, un terminus de tramway strasbourgeois, un mur végétal et un avion-fusée pour vol suborbital ? En outre, quel est leur lien avec la section arts plastiques, si ce n’est que certaines des pièces comme les installations Zentralnervensystem, de Didier Fiuza Faustino, ou Diurnisme, de Philippe Rahm, pourraient aisément figurer dans ladite section ? La balade photographique du designer Jasper Morrison, « attentif à l’intelligence expressive du familier et du banal » parisiens, ne dit pas grand-chose. Et qu’apportent au propos les cloisons en laine et mousse thermocompressée de Ronan et Erwan Bouroullec, mis à part le fait qu’elles servent à merveille la scénographie en jouant précisément leur rôle : celui de simples parois de séparation ? Christian Simenc

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°259 du 11 mai 2007, avec le titre suivant : Bol d’air frais

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