Il a une forme conique et sert à verser du liquide dans un récipient de petite ouverture. Ceux qui en usent dans une cave à vin lui préfèrent le joli nom de « chantepleure ». Ce petit instrument est fort utile, mais très souvent encombrant. De quoi s’agit-il ? d’un entonnoir ! Celui qu’a dessiné le Danois Boje Estermann est à plus d’un titre original. D’abord par sa forme : on dirait une petite tornade. Mais la grande innovation réside en sa flexibilité. « L’objet n’existe que si l’on s’en sert », précise Estermann. L’entonnoir est en effet télescopique : on le déploie au moment de l’utilisation, on le replie sitôt l’opération achevée. Il se range donc à plat. C’est simple, encore fallait-il y penser. « En fait, raconte Estermann, je me suis inspiré de mon vieil appareil photo. Celui-ci était muni d’un pare-soleil qui s’ouvrait comme un accordéon lorsque le soleil devenait trop intense. » Ne restait plus alors qu’à développer un matériau souple qui puisse accepter ces contraintes de pliage. « Nous avons mis deux ans, avec les ingénieurs de Normann Copenhagen, pour mettre au point cet entonnoir, explique le designer. Il fallait qu’il soit assez flexible pour qu’il se plie, assez résistant pour qu’il conserve sa forme, assez stable pour accepter autant le chaud que le froid, enfin il devait résister au pliage intensif. » Le choix s’est donc porté sur un caoutchouc alimentaire vulcanisé qui conjugue moult avantages, en particulier une grande souplesse et une faible déformation sous pression. Résultat : l’objet se révèle fonctionnel, facile à laver et esthétiquement attrayant. En outre, il permet un gain de place non négligeable. Bref, toutes les caractéristiques du bon produit.
Encombrement minimum
C’est sur le tard que Boje Estermann, aujourd’hui âgé de 44 ans, se tourne vers le design. Après avoir fait des études de commerce, puis travaillé pour un fabricant danois de mobilier pour bibliothèques, il s’inscrit à l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI), à Paris, d’où il sort diplômé en 1999.
Son mémoire de fin d’études propose alors « des objets domestiques qui n’encombreraient pas l’espace ». « Cette idée de recherche vient sans doute de ma culture danoise, observe Estermann. D’un côté, il y a une éducation ultra-protestante où il faut tout justifier, de l’autre la tradition scandinave de la fonctionnalité. » Le mémoire offre déjà une première esquisse de l’entonnoir repliable. Mais il contient aussi, en germe, la passoire, qui fonctionnera exactement sur le même principe, avec un matériau néanmoins plus rigide : « Elle doit pouvoir soutenir un kilo de pâtes lorsqu’on les égoutte », souligne le designer.
Depuis leur sortie, l’entonnoir et la passoire collectionnent les récompenses. Le premier s’est vu décerner par le Design Zentrum Nordrhein-Westfalen (Allemagne) un « Red Dot Design Award 2005 », en design produit. En France, l’Association pour la promotion de la création industrielle (APCI) vient
d’attribuer à la seconde une « étoile de l’Observeur du design » (1). Preuve que les objets les plus insignifiants peuvent parfois, eux aussi, faire l’objet de la plus extrême attention.
(1) Organisée par l’APCI, l’exposition « L’Observeur du design 2006 » réunit jusqu’au 26 février à la Cité des sciences et de l’industrie, 195 produits (objet, packaging, identité visuelle…), dont 31 ont été distingués par une « étoile ». La scénographie façon chantier de fouilles est indigeste, aussi faudra-t-il faire le tri pour découvrir les créations les plus intéressantes. Adresse : 30, av. Corentin-Cariou, 75019 Paris, tél. 01 40 05 70 00.
NB : L’entonnoir (env. 20 euros) et la passoire (env. 46 euros), produits par Normann Copenhagen, sont disponibles en quatre couleurs : rouge, jaune, vert et noir, www.norman-copenhagen.com.
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Boje Estermann
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°227 du 16 décembre 2005, avec le titre suivant : Boje Estermann