Art Selfie - Pour la presse occidentale, la Chine fait volontiers figure de Big Brother. Non sans raison : porté par un réseau de start-up, le pays teste à grande vitesse des programmes de reconnaissance faciale dans tous les domaines de la vie quotidienne.
Déjà, le deep learning allié à la vidéosurveillance permettent d’y retirer de l’argent au distributeur automatique, de payer ses courses et, bien sûr, de traquer les comportements indésirables – les piétons qui traversent au rouge ou abusent du papier toilette… Dans un avenir proche, ce système pourrait même être associé à un vaste programme d’évaluation sociale des citoyens, conditionnant l’accès à certains services et équipements. Une telle surveillance de masse semble évidemment beaucoup plus délicate à mettre en œuvre dans un contexte démocratique, où les résistances sont fortes, et les artistes, des vigies inquiètes. En témoignent les œuvres d’Adam Harvey ou de Philipp Schmitt qui mettent en question les programmes de reconnaissance faciale, suggèrent des tactiques et inventent toutes sortes de camouflages pour les déjouer. Les grandes puissances occidentales sont-elles pour autant à l’abri de ces technologies ? Rien n’est moins sûr. Mais, à la différence de la Chine, c’est par leur usage ludique et esthétisant que pourrait passer leur acceptation progressive par les citoyens.En décembre dernier, Facebook lançait ainsi Photo Review, qui permet à ses utilisateurs de détecter les photos où ils apparaissent sans y avoir été tagués. Une application pour la bonne cause, puisqu’elle permet de mieux « gérer son identité ». Dans le même temps, Google lançait aux États-Unis une nouvelle fonctionnalité dans l’application Arts & Culture, créée en 2016 pour proposer aux internautes divers contenus thématiques sur l’art et l’architecture. « Art selfie » a eu d’emblée une résonnance monstre sur les réseaux sociaux. Et pour cause : l’outil offre la possibilité de « matcher » votre autoportrait photographique avec 70 000 portraits conservés dans les collections de grands musées du monde entier, et collectés par le géant de l’informatique dans une vaste base de données. Sous la forme d’un pourcentage, il vous indique ainsi votre degré de correspondance avec des œuvres d’art plus ou moins célèbres. Bien que ses résultats ne soient pas toujours probants, « Art selfie » procure à ses utilisateurs une petite bouffée narcissique, en soulignant ce qui les lie aux plus grands artistes et à leurs modèles. Surtout, l’application s’avère au passage un moyen « fun » et apparemment anodin de populariser FaceNet, le système de reconnaissance faciale mis au point par Google. Au moment de lancer la recherche, un avertissement a beau vous garantir que vos données ne seront pas conservées, on ne peut se déprendre d’un doute : et si « Art selfie » était une manière de « dédramatiser » une technologie dont l’opinion se méfie, et dont les médias pointent régulièrement le caractère dystopique, à grands renforts de références à 1984 et à la série Black Mirror ?
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Big Brother version fun
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°715 du 1 septembre 2018, avec le titre suivant : Big Brother version fun