Dans ses installations et mises en scène rétro-futuristes, univers proches de la science-fiction, Bernard Joisten [né à Gap (Hautes-Alpes) en 1962] a pour habitude de nous projeter dans des récits à anticiper en 3D. Cette fois, c’est avec la peinture dont il ne craint pas la platitude qu’il nous fait décoller. Nous l’avons rencontré à l’occasion de son exposition personnelle à La Blanchisserie, galerie-cantine à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).
Que présentez-vous à La Blanchisserie ?
Je présente des vidéos et des peintures qui ne sont pas que des peintures, car je travaille autour de l’idée de tuning, d’un design qui enrobe la peinture. La peinture, c’est trop plat ; il me manque quelque chose. Ce qui m’intéresse, c’est de customiser la peinture comme l’on pourrait customiser une voiture, avec des éléments architecturaux. La peinture tuning, c’est une sorte de micro-installation autour du tableau, c’est de l’habillage. Je pense par exemple pour le futur à une pièce avec des enceintes, du son, des écrans, des moniteurs… C’est donc composer la peinture avec des éléments de technologie, d’architecture et de design pour lui donner une matérialité, une présence plus efficace dans le lieu d’exposition.
C’est une peinture qui est très figurative, contrairement à ce que l’on pourrait attendre de vous.
C’est peut-être aussi parce que je suis passé par le film, donc la mise en scène… C’est aussi un besoin de retrouver la scénographie, le plaisir de remettre des personnages dans des environnements, raconter des histoires avec l’image…
Poser le décor et introduire les personnages : comme pour vos installations antérieures, c’est un travail en 3D ?
Oui. J’ai un peu senti les limites de l’installation ces dernières années. C’est devenu tout aussi convenu que la peinture. Il y a eu beaucoup de modèles explorés. J’ai exploré certaines pistes, et ce n’est pas un gage d’innovation évident pour moi. Pas plus que l’esthétique du tableau revisité, ou d’autres formes d’expression artistique en tout cas.
Vous présentez aussi des vidéos…
Des petits films, des microfictions. Des sortes de commentaires à partir de voyages que j’ai faits au Japon ou ailleurs en Asie, de perceptions de la société, d’un environnement…
Votre grande connaissance de la science-fiction entre-t-elle en jeu dans cette exposition ?
Pour moi, le tuning en peinture, c’est aussi de la peinture projetée dans le futur, au sens d’une électrification de l’image, d’une circulation d’éléments technologiques à l’intérieur. C’est une image qui est irriguée par des éléments fantasmatiques associés au futur et à la SF. Burroughs, c’est psychédélique mais c’est aussi des images de SF, des modes d’écriture futuristes. La SF est aussi un outil de dématérialisation, de transformation des codes en ce qu’ils pourraient être dans dix ou vingt ans ; il y a ce côté prospectif qui est excitant.
Le côté urbain, métallique de votre peinture a-t-il un lien avec l’esthétique des années 1980 ?
L’univers urbain m’intéresse : on y trouve également de la technologie, il y a de la programmation… J’utilise aussi beaucoup les machines. Toutes mes peintures ont en aval un travail de conception informatique. C’est tout cet appareillage technologique que l’on peut peut-être situer dans les années 1980. En tout cas, je suis assez attaché à cette dimension synthétique. Quand j’utilise l’aérographe par exemple, c’est vrai que cela induit un certain effacement du trait, de la présence de l’artiste. Tout cela vient aussi de l’hyperréalisme que je recoupe avec d’autres logiques de transformation de l’image.
Et ce goût pour les couleurs fluo ?
Le fluo, c’est aussi un peu le tuning pour moi. C’est une peinture électrique, qui rejette l’ombre et qui agit sur le psychisme de manière très particulière, avec une énergie qui lui est propre. C’est une lumière sans électricité, presque du métal. D’ailleurs, je présente aussi une pièce avec de l’aluminium en miroir. Le métal a une qualité de surface vers laquelle j’aimerais aller dans le futur.
Mais, même si je fais de la figuration, si je représente des personnages, des voitures, l’excitation, c’est de représenter des situations. À un moment donné, il faut que cela décolle vers quelque chose qui est de l’ordre de la sensation, loin des références aux codes commerciaux. Le pop ne m’intéresse pas vraiment. Je suis probablement noué à cet univers-là, mais ma pratique échappe à cette configuration pour aller vers l’onirique, vers des choses qui ont rapport au psychisme. J’aimerais qu’une peinture soit psychique, que le tableau soit une déviance, une distorsion.
Du 26 mai au 2 juillet, La Blanchisserie, 24, rue d’Aguesseau, 92100 Boulogne-Billancourt, tél. 01 41 31 31 41, du mardi au vendredi 10h30-23h environ, samedi : 18h-minuit, dimanche 11h-16h.
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Bernard Joisten
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : Bernard Joisten