À l’heure du « Grand Paris », la banlieue continue de se doter d’équipements culturels certes de taille plus ou moins modeste, mais à la portée essentielle.
Parmi ceux-ci, le conservatoire de musique, de danse et d’art dramatique Léo-Delibes de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) a opté pour le rythme et le tempo.
« Waterloo, morne plaine ! (1) » Qui n’a fait qu’effleurer, passant en voiture, cette petite ville d’immédiate banlieue parisienne qu’est Clichy-la-Garenne pourrait sans doute y appliquer le lamento hugolien. Même si, en un passé lointain, Clichy-la-Garenne fut plus territoire de chasse (garenne) que plaine.
Et pourtant, s’élèvent en ses limites trois petits chefs-d’œuvre architecturaux : le pavillon de Vendôme, une « folie » XVIIe à l’équilibre parfait ; l’hôpital Beaujon, édifié entre 1933 et 1935 par Jean Walter, premier établissement du genre, monobloc et non plus pavillonnaire et surnommé en son temps l’« hôpital gratte-ciel » ; la Maison du peuple enfin, signée Lods, Baudouin, Prouvé et Bodiansky, ouverte en 1940, véritable manifeste d’architecture moderne.
Inaugurée en septembre, la Maison des musiques rejoint en parfaite harmonie le trio de tête qui, dès lors, compose un quatuor architectural.
La partition était complexe : une fine parcelle triangulaire étirée sur 80 mètres et encadrée à la fois par la très passante rue de Martre et par une école. L’architecte Bernard Desmoulin, lauréat du concours, décide d’étirer sur la rue une longue façade alternant métal et verre qui peut se lire à la manière d’une portée musicale, et d’organiser le long de cette façade l’essentiel des circulations intérieures. Le conservatoire de musique, de danse et d’art dramatique, doté d’un auditorium de 230 places et de 34 salles dédiées à l’enseignement et à la pratique se trouve ainsi isolé des nuisances sonores urbaines et fait face à l’école voisine. Malgré son apparente petite taille, la Maison des musiques possède une capacité d’accueil de 1 300 élèves.
Mais ce qui frappe le plus ici, c’est le travail sur la peau auquel s’est livré Desmoulin : entre le béton « planche » de l’extérieur et le bois lissé de l’intérieur se développe une élégante dialectique du chaud et du froid. Et, comble de raffinement, les bombes utilisées par les tagueurs ont été mises en action pour masquer (et souligner en même temps) les imperfections du béton d’une fine couche dorée. Jouant ainsi avec maestria des assonances et des dissonances.
(1) Victor Hugo, « Expiation » in Les Châtiments, 1853, éd. Henri Samuel et Cie, Bruxelles.
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Bernard Desmoulin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°312 du 30 octobre 2009, avec le titre suivant : Bernard Desmoulin