L’exposition de l’artiste à la Cinémathèque française est à l’image de ses films : vivante et foisonnante.
PARIS - Le Labyrinthe des passions, titre emprunté à l’un des premiers films de Pedro Almodóvar, pourrait qualifier cette exposition de la Cinémathèque française. Consacrée tant à l’homme qu’à son œuvre, elle parvient à restituer les multiples facettes de l’un et de l’autre sans tomber dans l’écueil de l’illustration et sans rien figer de l’énergie vitale qui anime ses films. D’entrée, le ton est donné : une salle d’un rouge intense plonge le visiteur dans l’univers baroque du cinéaste, celui de ses premiers films aux couleurs pop. Conçu en étroite collaboration avec l’intéressé, le parcours est à l’image de son cinéma : rythmé, original et d’une grande richesse visuelle. Le monde d’Almodóvar est un peuple d’hommes, de femmes, de corps, de visages, de voix, un univers d’affects où les personnages vont jusqu’au bout d’eux-mêmes. Il est ici question de tout cela, mais aussi d’incursions plus intimes dans la vie du réalisateur, par le biais de nombreux documents issus de sa collection personnelle.
« Cette exposition a nécessité une réelle mise à distance par rapport à mon travail et à ma vie, pour en donner quelques clés au public. Il faut dire que mon œuvre et ma personnalité sont de plus en plus indissociables », a expliqué Pedro Almodóvar lors de la conférence de presse donnée à la Cinémathèque le 3 avril.
Pluridisciplinaire, cette rétrospective offre donc un kaléidoscope d’images mêlant des photographies de tournage, des esquisses, des dessins, des maquettes, des extraits de films, des objets, des affiches et des œuvres d’art. Les tableaux, les sculptures ou les pièces de mobilier, de sa propre collection ou issus de celle de Claude Berri, ont ici plusieurs fonctions. Certains montrent l’influence d’artistes comme Gilbert & Georges, Francis Bacon, Picasso, Miró… sur le cinéma d’Almodóvar, d’autres renvoient au décor de l’un de ses films ou permettent des rapprochements a priori peu évidents, mais qui fonctionnent parfaitement – ainsi d’une photographie de la série des prêtres de Mario Giacomelli face à une scène de gymnastique de La Mauvaise Éducation. Une pléiade d’artistes contemporains peu connus en France (tel Juan Gatti, à qui l’on doit la plupart des affiches de ses films) occupent également une place de choix dans cet accrochage. Le fil rouge de ce dédale ludique, organisé de façon thématique, est une galerie de corps et de visages familiers, ceux de Carmen Maura, de Rossy de Palma, de Victoria Abril et de Marisa Paredes, les inoubliables interprètes de Talons aiguilles, ou ceux de Gael García Bernal, de Miguel Bosé et d’Antonio Banderas. Des personnalités indissociables de l’univers déjanté et tragique d’Almodóvar (souvent les deux à la fois), la réussite de ses films tenant à ce fragile équilibre d’émotions extrêmes.
L’exposition est accompagnée d’une carte blanche au cinéaste, qui propose une sélection de ses films favoris, et d’une rétrospective de ses longs-métrages. De quoi patienter jusqu’à la sortie de son nouvel opus, Volver, qui pourrait être présenté au prochain Festival de Cannes.
- Commissaires : Matthieu Orléan et Frédéric Strauss - Nombre de sections : 8 - Scénographie : Agence NC, Nathalie Crinière
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Almodóvar se dévoile
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 31 juillet, Cinémathèque française, 51, rue de Bercy, Paris, tél. 01 71 19 33 33, tlj sauf mardi, 12h-19h (jeudi jusqu’à 22h, samedi et dimanche 10h-20h). Cat., Cinémathèque française/ éditions du Panama, 59 euros, ISBN 2-75570-133-1.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°236 du 28 avril 2006, avec le titre suivant : Almodóvar se dévoile