Paroles d'artiste

Alain Bublex : « Aborder la réalité avec bonne humeur »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2011 - 891 mots

Alain Bublex déploie, à la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, une installation photographique ambitieuse sur le Grand Paris.

À la galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, à Paris, Alain Bublex (né en 1961) s’intéresse au Grand Paris, à sa diversité visuelle et à ses clichés, avec une installation photographique ambitieuse.

Frédéric Bonnet  : Votre installation Contribution #3 – Paris, aire métropolitaine (2011) se déploie en deux temps : des feuilles de papier sur lesquelles on reconnaît le plan de la région dressé par la RATP, avec les zones de tarification et les stations, puis une série de 236 photos prises dans ce Grand Paris. S’agissait-il de partir à la découverte de quelque chose d’existant ou d’imaginer un développement potentiel de ce Grand Paris à partir de quelques éléments qu’on aurait relevés ?
Alain Bublex : Un peu les deux en même temps. Ces petits plans collés sur le mur sont le protocole des prises de vue montrées par la suite. L’idée était de dresser un inventaire des paysages du Grand Paris et de trouver un moyen à même de décider des photos à prendre. Pour me déplacer dans Paris, j’ai décidé d’utiliser le RER. Pour trouver une limite, je ne me suis pas arrêté dans les stations de métro, car le maillage est trop dense, et je n’ai pas pris les lignes de la SNCF. J’ai donc utilisé toutes les lignes de RER, me suis arrêté dans chaque station, ai marché dans le quartier alentour, repris le train jusqu’à la station suivante, etc. Je l’ai fait d’une manière extrêmement systématique afin d’obtenir une sorte de panorama global, en sachant qu’il allait y avoir des trous puisque les RER ne vont pas partout. Au final, on a l’impression de ne voir que la banlieue, car elle est beaucoup plus grande que le centre et que nous entretenons une image mentale de la ville dominée par son centre. Mais en réalité toutes les stations du centre de Paris sont représentées par une image, de même que toute la banlieue jusqu’à l’extrémité des lignes. Je n’ai retenu qu’une seule photo par station, même si j’en ai fait plus.

F. B. : Face à ce paysage du Paris élargi, on constate une diversité architecturale et paysagère ; la ville n’a pas une image homogène. Qu’est-ce qui a présidé au choix des clichés exposés ?
A. B. : C’est vrai. J’ai essayé de ne pas avoir de point de vue. Je me suis surtout dit : « Je ne vais rien démontrer avec ça. » C’est-à-dire que je ne voulais pas démontrer que la banlieue est belle ou pas, bien organisée, homogène ou pas, riche ou pauvre. En réalité, je crois que j’ai très tôt été intrigué par les stations de RER qui nous guident dans nos déplacements. Il s’agit d’une série de noms, souvent poétiques, mais qu’on ne peut raccorder à aucune image parce qu’on n’y va jamais. Ces noms existent, mais restent abstraits. J’étais donc curieux de voir à quoi ressemblaient véritablement Boissy-Saint-Léger, Sucy-Bonneuil, Ermont-Eaubonne… Et j’ai voulu conserver cette curiosité dans les prises de vue, en me comportant non pas comme un spécialiste mais en essayant de retenir dans la photographie mes étonnements, mes connaissances aussi : un immeuble de banlieue tel que je l’ai imaginé ou comme Doisneau a pu le photographier par exemple. Ensuite, j’ai effectué des sélections avec le souci de rendre compte de la diversité que j’avais pu observer, et donc d’avoir des choses qui ne soient pas totalement récurrentes car elles ne l’étaient pas dans les images.

F. B. : Les images paraissent unifiées dans leur texture et leur ambiance. La prise de vue a-t-elle été régie par un protocole ?
A. B. : Toutes les photographies ont été faites entre fin avril et fin juin 2011. J’ai délibérément choisi le printemps car je voulais une homogénéité, une sorte d’instantané général qui ne soit pas trop étiré dans le temps, mais représente un moment. À cette saison, il fait généralement beau, la végétation est généreuse et je ne voulais pas risquer d’avoir des photos insistant trop sur ce qu’on attend de la banlieue, un paysage triste sous une chape de plomb. Je voulais considérer le paysage avec une certaine bienveillance, un peu dans l’idée d’en faire des cartes postales. Il ne s’agissait d’enjoliver la réalité, mais de l’aborder avec bonne humeur, avec une attention curieuse plutôt qu’avec une observation de jugement.

F. B. : Une fois effectué ce panorama visuel, dressez-vous un constat ou en tirez-vous des enseignements ?
A. B. : Évidemment, il y a cette distance entre ce qu’on croit savoir de la banlieue et ce qu’elle est vraiment. On a l’impression que c’est un territoire totalement délaissé, à feu et à sang ou au moins dangereux, et ça n’a jamais été ma perception de la chose. Mais, en même temps, je n’ai pas eu de grandes révélations ou d’enseignements. La banlieue, c’est quand même loin du centre, et ce n’est effectivement pas très actif, même si j’ai été très surpris de découvrir des centralités que je n’avais pas imaginées, qui permettent de se dispenser de Paris, comme autour de Saint-Maur ou à Antony par exemple.

ALAIN BUBLEX. CONTRIBUTIONS

Jusqu’au 26 novembre, galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, 36, rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 46 34 61 07, www.galerie-vallois.com, tlj sauf dimanche 10h30-13h et 14h-19h. Jusqu’au 18 décembre, expose au parc Saint-Léger, à Pougues-les-Eaux (Nièvre)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°356 du 4 novembre 2011, avec le titre suivant : Alain Bublex : « Aborder la réalité avec bonne humeur »

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque