LONDRES (ROYAUME-UNI) [25.07.17] - La 2e salle des ventes londonienne de Christie’s a accueilli sa dernière vente, tandis que se succèdent les quelque 250 départs prévus dans son plan de licenciements.
Un tapis berbère en laine pour 1 539 euros, une affiche du film Frost/Nixon pour 210 euros, vingt silhouettes de mouton en métal pour 2 239 euros… Cet inventaire à la Prévert signait le 19 juillet les derniers coups de marteau portés dans la salle des ventes londonienne de Christie’s à South Kensington, avant fermeture définitive du site 10 jours plus tard. Point d’opération immobilière en vue : la société – qui avait réalisé une belle affaire en 2013 en cédant son entrepôt du sud de Londres pour 40 millions de livres sterling – était dans le cas présent locataire et non propriétaire. La salle avait été ouverte en 1975 pour mettre à l’encan les lots de moindre valeur : des tableaux de seconde zone aux objets d’art dits « de charme », en passant par les memorabilia. Mais ces dernières années, le nombre de ventes et les montants en jeu avaient fortement baissé. En 2016, 55 ventes y étaient organisées pour un montant de 61,5 millions de livres sterling (68,7 millions d’euros, une moyenne de 1,2 million par vente) alors que 10 ans auparavant, 224 vacations y prenaient place. Dans le même temps, le prix des lots ne cessait de baisser, alors que les collectionneurs tournaient le dos à l’art et aux objets d’art anciens. Les milliers de numéros qui passaient chaque année à « South Ken » devraient désormais alimenter les ventes en ligne de Christie’s mais aussi les maisons de ventes britanniques : le géant Bonhams ou des enseignes locales comme Bellmans ou Mallams.
La clôture de ce second site londonien était l’une des mesures du plan de licenciement révélé le 8 mars dernier par le PDG de Christie’s Guillaume Cerutti. Annonce avait été faite que 250 employés sur les 2 200 de la société étaient concernés, soit 12 % des effectifs. Pourquoi laisser cette tâche à un PDG nommé moins de 3 mois auparavant, alors même que cette issue devait se profiler depuis un moment ? « Guillaume Cerutti était mieux placé au sein de Christie’s. Patricia Barbizet n’avait ni sa compréhension interne des métiers, ni son expérience chez Sotheby’s. Il a une connaissance approfondie du système et des ficelles du marché, et était alors plus capable d’identifier les postes à supprimer », estime une source proche de la maison de ventes. Les licenciements sont majoritairement déployés en Europe, particulièrement sur le sol britannique – South Kensington comptait environ 80 personnes – et tous les secteurs et métiers, des experts aux fonctions support, sont touchés. A Paris, une petite dizaine de postes sont supprimés. « En parallèle, les services sont réorganisés, les process sont simplifiés », explique une source en interne. A Amsterdam, ouvert depuis 1973, l’activité est fortement réduite : 3 ventes sont organisées en 2017, contre 6 en 2016. A Dubaï, les traditionnelles sessions d’octobre n’auront plus lieu. A Bombay, en décembre dernier déjà, les portes s’étaient refermées sur une dernière vente, après 4 ans d’activité. A l’heure actuelle, les départs s’échelonnent encore, au gré des préavis, mais une importante partie des effectifs a d’ores et déjà quitté la société.
Ce plan de licenciements suit les évolutions du marché, notamment la perte de vitesse des départements traditionnels, et la croissance de la clientèle asiatique : la maison avait ouvert un bureau à Shanghai en 2013 et un autre à Pékin l’an dernier. En avril dernier, elle avait également inauguré un lieu à Los Angeles. Et si la société pointe également du doigt la forte croissance des ventes online only ( 109% en 2016), ces dernières ne totalisent pour l’instant que 49,8 millions de livres sterling (55,7 millions d’euros), 1% du volume d’affaires mondial.
Cette vague de renvois s’inscrit dans le sillage de Sotheby’s qui avait déployé fin 2015 un plan de départs volontaires. 80 des 1 600 employés (déjà 600 de moins que Christie’s !) avaient quitté la société pour un coût avoisinant les 40 millions de dollars. Alors que le volume d’affaires cumulé de ces deux géants dépasse les 10 milliards de dollars (en 2016), pourquoi l’une et l’autre en viennent elles à multiplier les licenciements ? « C’est l’aboutissement d’un duopole nécrophage. Les deux maisons n’ont pas réussi à rendre le système compétitif », indique un connaisseur du marché. « Elles ont fait une course à la part de marché, avec en tête la logique que les affaires amènent les affaires. Et elles ont amenuisé leurs marges en réduisant leurs commissions face à des acheteurs et vendeurs qui négociaient vigoureusement. Elles ont remplacé la relation client par les garanties et l’agressivité sur les termes des contrats ». Alors que les années les plus fastes, les maisons de ventes se rattrapaient sur le volume global, l’année 2016 et la baisse de leur chiffre d’affaires a changé la donne. Pour un spécialiste, « le décalage entre les résultats pharaoniques de ces sociétés et leurs revenus très bas est frappant. Les maisons de ventes connaissent aujourd’hui un véritable tournant ». A elles de réinventer leur modèle.
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Christie’s déroule son plan de licenciement
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Abonnez-vous dès 1 €La salle des ventes Christie's dans South Kensington à Londres © Photo Ian Dunster - 2005 - Licence CC BY-SA 3.0