Un siècle après sa disparition, le nom de Rodin évoque en chacun ce créateur massif qu’il peut sembler connaître comme un oncle lointain un peu rustre et forcément génial.
Il appartiendrait de l’approcher sans trop en avoir l’air et comme par l’intérieur de soi-même. Mais, « la gloire n’est finalement que la somme de tous les malentendus qui se forment autour d’un nom », nous prévient dès son premier paragraphe Rainer Maria Rilke, qui fut son contemporain et son ami. Et il n’est de constater que, au sujet du sculpteur, cette formule prend toute son ampleur. Sous la plume de Rilke se dévoile un poète aux prises avec les flagrances du réel, un ouvrier tout à son outil dans son travail de minutie, un acharné de vie, dense et concentré, aux multiples facettes, pour certaines sans doute elles aussi fantasmées, qui « saisissait la vie partout où il jetait le regard » [Rilke, Auguste Rodin, Les éditions de Paris, Max Chaleil, 110 p., 13 €]. C’est tout à fait à l’encontre de certains de ces fantasmes que Maryline Desbiolles fait un parcours, en un sens, inverse [M. Desbiolles, Avec Rodin, « Des vies », Fayard, 197 p., 18 €]. Plutôt que nous décrire de quelle essence est né cet art si particulier de sculpter la vie en train de vivre, dans sa forme brute et apparente, sa forme dans laquelle se révèle tout le fond, sans allégorie, elle convie le lecteur à vivre ses œuvres dans sa vie propre, presque dans son quotidien, et à se laisser innocemment surprendre par leur présence, au présent, pour ne plus se méprendre sur ce qu’on sait de la vie, de l’intention ou de la pratique de leur auteur défunt. Et c’est de l’étrange présence d’un éternel absent que nous entretiennent en creux ces deux essais passionnés. Un homme d’un autre monde, un modeleur de réel, témoin du surnaturel de la nature elle-même, dont toutes les traces aiguës saisissent l’instant au-delà du temps et par-delà le temps : un survivant à lui-même. Dans la proximité charnelle des sculptures du maître surgit alors de leurs plus infimes détails ce quelque chose d’inachevé et, donc, ce quelque chose de parfait qui fait immanquablement penser qu’autour de chacune de ses œuvres rôde un auguste fantôme toujours à son ouvrage.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Cent ans d’intimité avec Rodin
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°704 du 1 septembre 2017, avec le titre suivant : Cent ans d’intimité avec Rodin