Rares sont aujourd’hui les artisans à maîtriser les techniques anciennes de cet art complexe. Une exposition au Musée Le Secq des Tournelles à Rouen rend hommage à ce métier.
Securitas Publica. Telle fut pendant de longs siècles la devise de la corporation des maîtres serruriers, connue en France depuis le XIIIe siècle. Le métier traite certes de serrures, mais aussi de tous les ouvrages de protection et de construction en ferronnerie des bâtiments – garde-corps, rampes, portails, grilles, heurtoirs, crémones… C’est ce que nous rappelle une passionnante exposition du Musée Le Secq des Tournelles, à Rouen, intitulée « La Fidèle ouverture ou l’art du serrurier », du nom d’un traité célèbre du XVIIe siècle dû à Mathurin Jousse. Le musée détient, en effet, l’incroyable collection du pionnier de la photographie, Jean-Louis-Henri Le Secq des Tournelles (1818-1882), amateur d’objets en métal. Celle-ci permet d’écrire une histoire exhaustive de cet art de la métallerie aujourd’hui tombé dans l’oubli, mais toujours prisé par les collectionneurs. Pendant de longs siècles, le serrurier était un artisan reconnu pour sa maîtrise du feu et sa dextérité manuelle, à mi-chemin entre mécanique et orfèvrerie. Les pièces présentées dans l’exposition témoignent de la qualité atteinte par quelques serrures – qui ne se dévoile pas toujours au premier coup d’œil, l’intérieur d’un ouvrage révélant parfois un travail de gravure d’une grande finesse. Les statuts de la corporation considéraient d’ailleurs l’art de la serrurerie comme le quatrième art libéral, après la peinture, la sculpture et la musique !
L’accent sur la métallerie
Si autrefois les serrures complexes étaient le chef-d’œuvre de maîtrise des aspirants serruriers, la profession a aujourd’hui évolué, notamment du fait des mutations des exigences en termes de sécurité. Les quelques formations mettent dorénavant l’accent sur la métallerie, l’apprentissage des spécificités de la serrurerie étant désormais cantonné au cadre de l’atelier. Le savoir-faire du professionnel consiste, au départ, à maîtriser la transformation d’une barre ou d’une plaque de métal – toutes sortes de métal – en grilles, rampes, éléments de charpente métallique ou clefs. Maître de la forge, ce qui implique d’être en bonne condition physique, le serrurier dessine au préalable les pièces, qu’il découpe sur plan avant de les façonner puis de les monter. « Notre métier est très divers, témoigne un apprenti. Nous sommes tour à tour dessinateur, forgeron, soudeur, monteur… » Une bonne connaissance des styles historiques est par ailleurs indispensable – l’exposition de Rouen montre parfaitement à quel point l’art de la serrure n’est pas resté étranger à l’évolution du goût, prenant, par exemple, des accents antiquisants à la Renaissance – tout comme une très grande minutie. La mécanisation n’offre, en effet, un gain de temps que pour le débitage et « la part manuelle, à la lime sur l’étau, reste primordiale », souligne Alain de Saint-Exupéry, l’un des rares artisans hexagonaux spécialisés dans la restauration des serrures anciennes. Depuis six ans, ce dernier collabore avec le Musée Le Secq des Tournelles de Rouen pour faire revivre sa collection de serrures. Installé en Dordogne, cet ancien restaurateur de mobilier en marqueterie s’est consacré par passion de la mécanique aux serrures anciennes, tout en continuant de produire du placage scié d’essences rares destiné à la marqueterie, grâce à une machine ancienne qu’il a lui-même remontée. « C’est à la demande de mes confrères restaurateurs de mobilier qui me confiaient leurs travaux de serrurerie que l’atelier s’est progressivement spécialisé », raconte Alain de Saint-Exupéry. Aujourd’hui, sa clientèle s’est étoffée de nombreux marchands, collectionneurs, institutions, auxquels il livre serrures restaurées ou recréées à l’identique, mais aussi mécanismes de meubles. Dans son atelier où travaillent également son épouse, son fils et un compagnon, les spécificités du métier s’acquièrent par la pratique, en gommant les traces d’usure et en faisant revivre les mécanismes de serrures de toutes les époques. « C’est ce qui rend nos métiers artisanaux fabuleux : notre savoir-faire évolue tous les jours ! »
- CAP serrurier-métallier ou CAP ferronnier : dans les lycées professionnels. Accès : après la classe de 3e. Durée : 2 ans, formation à plein-temps ou en alternance, selon les établissements Ces formations n’offrent pas un enseignement spécifique à la serrurerie, qui s’apprend dans le cadre de l’atelier
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Serrurier d’art
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Abonnez-vous dès 1 €- LA FIDÈLE OUVERTURE OU L’ART DU SERRURIER, Musée Le Secq des Tournelles, 1, rue Jacques Villon, 76000 Rouen, jusqu’au 28 octobre, tlj sf mardi, 10h-13h 14h-18h. Catalogue collectif, 272 p., 38 euros.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°264 du 7 septembre 2007, avec le titre suivant : Serrurier d’art