Un état des lieux appelle les institutions à mieux structurer ces métiers en termes de ressources humaines.
Et si les beaux discours sur la démocratisation de la culture s’accompagnaient enfin d’une réflexion sur la formation, le statut, les conditions d’emploi et la carrière des chevilles ouvrières d’une telle politique, ceux que l’on appelle communément les « médiateurs », ces professionnels chargés de l’interface entre institutions culturelles et publics (lire le JdA no 263, 6 juillet 2007, p. 45) ? Une étude publiée en mai 2010 par le Département des études, de la prospective et des statistiques (Deps) du ministère de la Culture apporte un éclairage sans ambiguïté sur les réalités de cette population professionnelle apparue il y a une trentaine d’années, quand les musées, lieux patrimoniaux ou autres salles de spectacles ont pris la mesure de la nécessité d’élargir leurs publics. Il leur a alors fallu recourir à des intermédiaires chargés de faciliter cette transmission, enrôlant dans les rangs des professionnels de la culture une population hétérogène d’artistes, étudiants ou jeunes diplômés des filières culturelles.
De manière souvent empirique sont apparus les métiers de guides, conférenciers, animateurs d’ateliers ou chargés d’action culturelle, ayant en commun, derrière ces multiples terminologies, un statut précaire et son corollaire en termes de rémunération. Cette absence de structuration s’est accentuée du fait de l’existence de pratiques très hétérogènes, la médiation apparaissant comme une « sorte de constellation », pour Nicolas Aubouin, Frédéric Kletz et Olivier Lenay, enseignants-chercheurs au Centre de gestion scientifique de l’École des mines et auteurs de l’étude, impliquant des savoirs et des compétences très divers, allant de la conception des programmes à l’animation devant des publics spécifiques. « Cette fragmentation rend singulièrement difficile l’appréhension des dynamiques à l’œuvre dans ces métiers et la définition de politiques publiques visant leur professionnalisation alors qu’ils sont au cœur des politiques en faveur de l’accès à la culture », note Philippe Chantepie, chef du Deps.
Mise à l’écart
Le constat est amer : alors que la médiation est devenue une évidence et que, face à l’explosion de la demande, les établissements ou les collectivités investissent pour créer des espaces dédiés aux publics spécifiques, l’insertion des professionnels dans les équipes des institutions culturelles demeure marginale. Mise à l’écart des processus de décision, sollicitée en bout de chaîne, dépourvue de moyens techniques (notamment de bureaux), la cohorte des médiateurs est maintenue, pour sa grande majorité, dans un « confinement organisationnel sclérosant ». Et faute de perspective de reconnaissance, comment vouloir réellement mener carrière dans cette branche où le marché de l’emploi est, de surcroît, très tendu faute de mobilité ? « Les médiateurs, après avoir été comme «convoqués» par les politiques culturelles, apparaissent abandonnés par le silence de l’appareil gestionnaire des institutions culturelles, qui omettent d’effectuer un véritable pilotage de cette activité », déplorent les auteurs de la synthèse. Pour Philippe Chantepie, « pareil constat doit sensibiliser les structures culturelles à la nécessité de mettre en œuvre des politiques de ressources humaines visant à structurer, accompagner et renouveler ces activités de médiation au regard de leurs enjeux actuels et futurs, et compte tenu de leur fonction centrale pour les politiques des publics ». Or, aujourd’hui, les quelques emplois de contractuels à avoir été définis hors des cadres d’emploi de la fonction publique ne concernent souvent que les domaines du mécénat et de la communication. Un véritable chantier pourrait donc être ouvert afin de mieux structurer ces professions indispensables au développement d’une « culture pour chacun ». À moins que les militants du développement du bénévolat, sur le modèle américain, ne gagnent du terrain…
Médiation culturelle, l’enjeu de la gestion des ressources humaines, par Nicolas Aubouin, Frédéric Kletz et Olivier Lenay, enseignants-chercheurs au Centre de gestion scientifique de Mines ParisTech. Cette étude qualitative a été menée, en 2008, sur la base d’entretiens et d’observations in situ réalisés par le Centre de gestion scientifique de l’École des mines de Paris dans 48 structures culturelles employeuses de trois régions (Île-de-France, Nord - Pas-de-Calais et Rhône-Alpes).
Elle est téléchargeable sur www.culture.gouv.fr/deps
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les maux de la médiation culturelle
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €"La nuit des images" (2008) - Grand Palais © photo Ludosane
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°332 du 8 octobre 2010, avec le titre suivant : Les maux de la médiation culturelle