Profession

Facteur d’instruments nouveaux

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 6 janvier 2009 - 757 mots

« Inventer de nouveaux espaces sonores » : telle est l’ambition de Georges Alloro, qui vient de recevoir le titre de maître d’art.

Créations de G. Alloro

« Je suis un chercheur dans le domaine de la musique et des instruments », précise tout de suite Georges Alloro pour définir un métier qui n’appartient à aucune nomenclature. Ce professionnel, qui vient d’intégrer la nouvelle promotion des maîtres d’art du ministère de la Culture, est, en effet, l’un des rares à œuvrer dans le domaine de la facture d’instruments nouveaux. Un métier à mi-chemin entre facture instrumentale traditionnelle et innovation technique, celui d’un « musicien à la recherche de nouveaux espaces sonores », qui « fabrique plus de la musique que des instruments ». Ce titre de maître d’art vient ainsi récompenser plus de quarante années de persévérance dans sa volonté de faire évoluer la musique dans un credo particulier. « J’ai voulu fabriquer de nouveaux sons à une époque où la musique électronique n’existait pas », poursuit-il. Après avoir étudié la musique occidentale, avec une prédilection pour le jazz, son intérêt s’est rapidement porté sur les musiques non occidentales. L’idée était alors de rapprocher ces deux univers. « Pour cela, il fallait avoir des instruments différents », explique-t-il. Avec son groupe de jeunes musiciens soucieux de rompre avec les codes musicaux, Horde catalytique pour la Fin (1968-1973), puis Arthéa, dispersé en 1992, Georges Alloro a donc débuté ses recherches, concevant une cinquantaine d’instruments nouveaux, à cordes, vents et percussions. « Nous voulions que les gens arrêtent de se scléroser dans une conception musicale étriquée. Quand un musicien sort d’un conservatoire, il n’a pas été formé aux musiques du monde. Nous voulions trouver des rapprochements entre ces musiques pour sortir du diktat culturel de la musique occidentale ». Ses aptitudes manuelles ont fait le reste. « J’ai appris en même temps la musique et le travail manuel et, en fait, je ne les ai jamais vraiment dissociés. Le geste de la main sur l’instrument est, pour moi, identique au geste sur l’outil. Il me semble qu’il s’agit du même processus. C’est toujours la pensée qui dirige, la main suit. » Fils d’un artisan zingueur plombier et lui-même titulaire d’un CAP de plombier, Georges Alloro a toujours baigné dans le milieu artisanal, apprenant les différentes techniques au contact des artisans. De quoi nourrir une curiosité pour les savoir-faire et développer une facilité pour mettre son travail de musicien au service des instruments. S’il n’a donc pas appris la facture instrumentale, Georges Alloro a puisé dans cette tradition, y adjoignant la technique et les matériaux contemporains. Le tout pour augmenter les potentialités techniques des instruments et recréer parfois des sons oubliés. « L’histoire de la musique n’a connu que très peu d’inventions pures, commente-t-il. À chaque fois, celles-ci ont consisté à faire évoluer l’existant ».

Facture interculturelle
Georges Alloro adapte donc, par exemple, des éléments extra-occidentaux sur des instruments classiques, créant des prototypes uniques destinés à expérimenter ses procédés. Au départ, les instruments n’étaient fabriqués que pour lui et son groupe. « L’apprentissage de ces instruments peut être très long pour un musicien », développe-t-il. Mais progressivement, certains artistes d’horizons très divers se sont intéressés à son travail, découvert souvent lors des représentations du groupe. Ainsi du batteur du groupe de hard rock Scorpion, mais aussi de Bruno Caillat, membre d’un ensemble de musique de la Renaissance, ou encore de Ustad Mohiuddin Dagar, maître indien de la tradition Dhrupad (Inde du Nord). Georges Alloro leur a donc souvent adapté ses innovations sur des instruments traditionnels. Il en va de même du kotar, inspiré du koto japonais – un instrument traditionnel à cordes pincées, dont le son est proche de la harpe – amplifié par différentes techniques, dont des capteurs électroniques, qu’il a conçus pour le maître indien. Conscient de travailler dans un secteur très marginal, Georges Alloro se dit aujourd’hui satisfait d’avoir persévéré pour promouvoir « cette interculturalité de la musique et de la facture ». Il pense toutefois désormais à la transmission de son savoir-faire. Depuis trois ans, il forme ainsi un élève, Gontran Onraedt, venu du milieu de la communication, dans son atelier de Baillou, dans le Loir-et-Cher. « Je ne l’ai pas choisi pour ses compétences techniques, mais pour sa motivation, qui est primordiale pour dépasser les nombreux obstacles », défend l’intéressé. Qui sont avant tout matériels, Georges Alloro ayant longtemps conjugué son activité de facture et les tournées de son groupe.

Formation

Il n’existe pas de formation spécifique à ce métier lié à la fois à la musique et à l’artisanat.

Légende photo : diverses créations de Georges Alloro - © photo : S. Brandstrom

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°294 du 9 janvier 2009, avec le titre suivant : Facteur d’instruments nouveaux

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