La fin de l’année 2003 a été, pour le marché des arts décoratifs des années 1940 et 1950, assez surprenante. Malgré la morosité ambiante, les créateurs français ont enregistré plusieurs records mondiaux qui confirment la bonne tenue de ce marché.
La collection du styliste allemand Wolfgang Joop dispersée par Sotheby’s le 12 décembre dernier à New York est symptomatique du marché des arts décoratifs. Ainsi le lampadaire Liane créé par Jean Royère au milieu des années 1950 a atteint le prix de 310 000 dollars établissant un nouveau record pour l’un des décorateurs phares de la période. On note également les 102 000 dollars pour le lampadaire Signal de Serge Mouille et les 411 200 dollars pour un bureau gainé de cuir de Jacques Adnet. Le record le plus remarquable, celui qui hisse les créateurs de l’après-guerre à l’égal des aînés de l’Art déco, revient au sculpteur Alexandre Noll dont un fauteuil sculpté dans une bille de bois d’acajou, il est vrai l’une de ses œuvres les plus abouties, a atteint la somme spectaculaire de 680 000 dollars. La vente design de Phillips, qui dispersait des œuvres moins importantes, a confirmé la bonne tenue des créateurs français. Sur une estimation de 80 000 à 120 000 dollars, la table Afrique de Jean Prouvé a trouvé preneur à 191 000 dollars et ceci malgré un plateau ancien mais postérieur. Les œuvres de Line Vautrin dont le ludisme et la poésie traduisent à merveille la joie de vivre des trente glorieuses, poursuivent sûrement leur ascension. 30 000 dollars ont salué, ici, un délicat miroir en Talosel.
Paris s’est montré moins euphorique au cours de cette année. Les grandes maisons de ventes nous avaient habitués à des catalogues plus fournis et à la découverte d’œuvres inédites. Les ventes furent moins nombreuses, et le célèbre cabinet Camard a dû, in extremis, annuler sa seconde vente de prestige, faute de candidats. Cependant les autres leaders du marché ont mis aux enchères quelques belles pièces. Paul Dupré-Lafon dont on avait dit la cote chancelante franchit toujours la barre du million de francs. Un ensemble de tables gigognes en métal et parchemin a trouvé preneur à 290 000 euros et une enfilade en cuir, chêne et parchemin est partie à 220 000 euros sur une estimation basse de 100 000 euros lors de la vente Christie’s du 18 novembre.
L’étude Tajan et son expert Félix Marcilhac ont confirmé leur suprématie dans cette spécialité. Outre les quelques belles pièces que l’on a pu voir lors de la vente du 24 novembre qui enregistraient un produit vendu de 2 415 260 euros, c’est surtout la dispersion d’une importante collection française le 19 novembre qui a retenu l’attention du marché. Avec 2 832 849 euros, l’étude Tajan affichait un sourire satisfait. Cette vacation a confirmé l’évolution du goût au profit d’œuvres plus épurées. Les ornements néoclassiques et rocaille ne font plus recette. La commode au style Louis XVI prononcé en laque vert d’eau et agrémenté d’une riche ornementation de bronze réalisée par André Arbus dans l’immédiate après-guerre n’a pas trouvé preneur. Estimé entre 180 000 et 220 000 euros, elle compte pourtant parmi les œuvres les plus marquantes du décorateur et avait à ce titre servi de couverture pour l’importante monographie qui lui avait été consacrée. En revanche la table à la tronchin, toujours réalisée par André Arbus, a séduit par la pureté de ses lignes et la rigueur de sa proportion un amateur, à 280 000 euros, établissant un record mondial pour le décorateur toulousain. De la même façon, les œuvres trop ostentatoires de Gilbert Poillerat sont aujourd’hui délaissées au profit d’œuvres plus sobres. On note dans ce sens l’enchère de 360 000 euros enregistrée sur une estimation haute de 70 000 euros pour la table basse dont le modèle reprenait les majestueuses tables consoles réalisées par le ferronnier au musée du Louvre.
À l’issue d’une année difficile marquée par de lourdes crises politiques et une économie morose, le bilan du marché des arts décoratifs français des années 1940 et 1950 est plutôt positif. Si l’euphorie s’était dissipée depuis les attentats de New York et de Washington, le montant des transactions ne s’est que sensiblement effrité. Les dernières enchères qui ont été enregistrées à Paris et surtout à New York ont marqué une pose mais pas une chute. Les pièces courantes ont désormais plus de mal à trouver preneur, mais les œuvres rares ou de bonne provenance s’envolent toujours. Les Américains, qui s’étaient montrés discrets en début d’année, sont revenus à l’achat depuis l’automne. Tous les espoirs sont permis pour 2004.
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Arts décoratifs : les années 1940 et 1950 tiennent la cote
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°555 du 1 février 2004, avec le titre suivant : Arts décoratifs : les années 1940 et 1950 tiennent la cote