L’architecte Zaha Hadid, née en 1950 à Bagdad, disciple de Rem Koolhaas,
a réussi à se faire une place sur la liste des architectes les plus en vue actuellement, à côté par exemple de Daniel Libeskind. Dans un monde dans lequel peu de femmes ont la chance de pouvoir développer leurs projets
(à l’exception de certaines comme Gae Aulenti), Zaha Hadid s’est distinguée
en élaborant une architecture très personnelle, presque fantastique, dans tous les sens du terme, tant certaines
de ses esquisses semblent impossibles à réaliser. Résidant à Londres, elle ne
se limite pas à des projets architecturaux, mais elle
s’est également introduite dans le monde du design et
de la mode. Elle enseigne aussi dans quelques-unes
des meilleures universités
du monde. Elle a répondu
à nos questions.
Vous travaillez en ce moment sur des projets en Espagne dont l’un est en relation avec le monde du vin.
Il s’agit d’un pavillon démontable pour la foire Alimentaria 2002. Son aspect sera celui d’un pavillon qui en contiendra un autre et qui servira de base à la construction d’un local commercial et à un espace d’expositions, voire à un musée du vin. À Barcelone, il s’agit d’un complexe de 16 salles de cinéma situé dans un espace en gradins. Le centre s’adaptera aux espaces en se situant sur deux plans et il sera traversé par une voie ferrée.
Vous avez porté à terme plusieurs projets d’agrandissement de musées dont celui du Reina Sofia à Madrid dont l’originalité a été remarquée. Quels sont les aspects qui, dans un tel programme, suscitent particulièrement votre attention ?
L’agrandissement d’un musée est un projet très intéressant. Vous ne pouvez pas y penser comme s’il s’agissait d’une boîte close sur elle-même car, normalement, il est situé dans une zone urbaine importante de la ville. L’on ne doit pas seulement penser comment on va y exposer, mais surtout comment est vécu l’art dans cet espace.
Croyez-vous que l’art actuel fasse changer la conception de l’architecture des musées ?
Bien évidemment, il ne s’agit plus d’accrocher un tableau ; maintenant, il faut dédier un espace important à toutes les installations, ainsi qu’à l’environnement du musée. Nous avons pu appliquer ce concept au Centre d’art contemporain de Rome. Il est structuré en différents espaces indépendants, six immeubles interconnectés entre lesquels nous avons situé, par exemple, un auditorium et une bibliothèque.
Du décor de scène pour les Pet Shop Boys à la caserne des pompiers de Vitra, vous travaillez sur une grande diversité de projets.
De ce décor de scène pour les Pet Shop Boys aux meubles que je dessine, en passant par le Centre de danse et le grand pont d’Abou Dhabi, il existe une connexion malgré la disparité de tous ces projets : leur point commun est l’environnement qui entoure aussi bien les immeubles que les objets que je crée.
Votre travail de créatrice couvre des horizons très divers tel le dessin de mode ou de meubles... Quelle facette vous correspond le mieux ?
Pour moi, c’est un tout indissociable et je ne fais aucune différence car les deux activités de designer et d’architecte se rejoignent.
Vos dessins ont été présentés lors de nombreuses expositions au Museum of Modern Art de New York en 1988 et au Guggenheim de New York en 1992, à la Kunsthalle de Vienne en 1996 et à la Hayward Gallery de Londres en 1992. Les considérez-vous comme une partie indépendante de votre travail, en marge de votre activité d’architecte ?
Depuis de nombreuses années, je pense que la forme traditionnelle de l’exposition des projets d’architecture ne cadre pas avec ma propre démarche. Au travers du dessin, j’ai trouvé une nouvelle façon de communiquer mes projets qui correspond à ma manière de concevoir l’architecture et son développement.
Vous avez souvent fait remarquer l’importance du rôle joué par l’environnement dans votre œuvre. Dans quelle mesure est-ce un facteur décisif pour vos immeubles ?
Mes immeubles font écho à leur environnement et leur forme dépend du contexte dans lequel ils vont se situer. Il s’agit d’une communication mutuelle. Une relation se doit d’exister.
En tant qu’architecte, croyez-vous avoir un rôle particulier dans la société actuelle ?
Je crois que oui, en relation avec le rôle que l’architecture doit assumer : non seulement comme habitat ou refuge mais aussi comme lieu où l’être humain doit se réunir, peut-être moins dans les pays méditerranéens où la rue, l’espace extérieur jouent un rôle important dans les relations humaines. Mais en général, il est très important de créer un espace où les personnes peuvent se réunir. Je crois que c’est l’un des rôles importants que doit assumer l’architecte au regard de la société. D’un point de vue individuel, l’être humain passe une grande partie de sa vie dans l’espace public construit.
Professeur dans de nombreuses universités telles Harvard, Yale ou celle de Chicago, membre de l’American Academy of Art ainsi que de l’Institute of Architecture, lauréate de nombreux concours pour réaliser des projets de très grande envergure... Que signifie le mot “ réussite” pour vous ?
Beaucoup de gens mettent en relation l’idée de réussite avec l’argent ou la gloire. Pour moi, la réussite suppose une grande satisfaction personnelle dans la mesure où j’ai été capable d’améliorer l’existence des hommes au travers de mes projets. C’est pour moi la véritable réussite.
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Zaha Hadid - « Améliorer l’existence des hommes »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°147 du 19 avril 2002, avec le titre suivant : Zaha Hadid - « Améliorer l’existence des hommes »