Artistes

Welcome to California

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 31 mars 2009 - 946 mots

Pendant longtemps, l’art de la Côte ouest américaine fut regardé avec une certaine distance, voire du dédain, par les élites tant européennes qu’américaines.

Royaume du cinéma, la Californie était trop lointaine, trop ensoleillée, trop paresseuse pensait-on souvent, pour que l’art qui s’y fasse présente un intérêt fondamental. Et malgré les avancées personnelles de certains artistes, il fallut attendre les années 1990 [à la suite de « Helker Skelter : L.A., Art in the 1990’s », 1992] pour voir la pleine et entière reconnaissance, à l’échelle internationale, de l’une des scènes les plus actives au monde, avec Los Angeles pour épicentre. L’activisme de certaines institutions tel le Museum of Contemporary Art de la ville, et l’inlassable travail de promotion des artistes locaux effectué dès le début des années 1980 par Paul Schimmel, son conservateur en chef, n’y furent pas pour rien.
Progressivement s’imposèrent donc les protagonistes d’une pratique très diversifiée, tentée par la multidisciplinarité, très marquée par la fiction, où la performance est reine et où l’image, volontiers tapageuse, s’interroge sans cesse sur ses propres limites, contours et qualités intrinsèques. Ed Ruscha, John Baldessari, Paul McCarthy ou Chris Burden obtinrent enfin une renommée en rapport avec leurs recherches novatrices. Surtout, leur ascension fut concomitante à celle de la génération immédiatement postérieure, représentée par Mike Kelley, Raymond Pettibon, Charles Ray, Jason Rhoades ou Jim Shaw, lesquels profitèrent de l’éclairage donné à leurs aînés devenus soudain illustres. Le projecteur est depuis resté fixé sur la mégalopole californienne, permettant d’entretenir la visibilité sur une scène en perpétuelle effervescence, où sont scrutés les talents prometteurs sortis des écoles d’art de la ville. En 2006, le Centre Pompidou, à Paris, consacrait sous le titre « Los Angeles 1955-1985. Naissance d’une capitale artistique » une vaste exposition à cette place aujourd’hui majeure de l’art contemporain.

Jeff Koons, le roi du kitsch artistique, est devenu l’artiste des superlatifs avec un goût de plus en plus affirmé pour le gigantisme et une cote vertigineuse. En 2008, le château de Versailles s’est offert à lui : une apothéose royale !

Damien Hirst et les Young British Artists (Sarah Lucas, Tracey Emin, Gavin Turk, Angus Fairhurst, Matt Collishaw…), grâce au soutien appuyé du collectionneur Charles Saatchi et au flair avisé du galeriste Jay Joplin, deviennent un phénomène outre-Manche.

Felix Gonzalez-Torres, artiste cubain décédé en 1996, demeure emblématique de ces quinze dernières années. Perpétuellement citée en référence, son œuvre n’a jamais rien perdu de son acuité, comme son souvenir.

Matthew Barney, l’Américain, déboule comme une comète avec le premier opus, réalisé en 1994, de sa série filmique The Cremaster. Artiste inclassable, son univers est imprégné d’hybridation et de mutation.

Gabriel Orozco, exposé très tôt à Paris et aux États-Unis, participe d’une nouvelle visibilité de l’art mexicain. Il en devient l’un des emblèmes, avant l’apparition d’une jeune génération très active.

Maurizio Cattelan, l’Italien, fait fureur dès le milieu de la décennie 1990 avec un art ironique et parodique, dont la férocité et les provocations suscitent un intense engouement.

Douglas Gordon, fringant représentant de la nouvelle scène de Glasgow (Écosse), a gagné ses lettres de noblesse avec une œuvre où les méandres de l’âme humaine sont explorés sans relâche.

Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Huyghe et Philippe Parreno, avec des interrogations relatives au statut de l’artiste et de l’exposition, signent un projet commun au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1998. Ils constituent les moteurs d’une « esthétique relationnelle » théorisée par Nicolas Bourriaud, laquelle trouva en 1995 à se concrétiser avec l’exposition « Traffic », au CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux. Y étaient aussi présents des artistes tels que Xavier Veilhan [qui aura en 2009 carte blanche au château de Versailles] et l’Américaine Andrea Zittel.

Takashi Murakami, avec son esthétique « kawaii » (mignon) et sa société Kaikai Kiki Corporation, impose au Japon une logique entrepreneuriale à la création artistique, à une échelle jamais atteinte auparavant.

Ai Weiwei apparaît comme l’acteur incontournable d’un art contemporain chinois marqué par la surchauffe. Il participe en 1999 à la Biennale de Venise, et collabore au projet de stade olympique de Pékin (2008) avec les architectes Herzog & de Meuron (lire p. 20).

Sudobh Gupta, dont les sculptures sont faites d’objets usuels, connaît depuis quelques années une ascension fulgurante qui fait de lui l’un des fers de lance d’un art indien bouillonnant.

Annette Messager atteint une consécration méritée, fruit de la cohérence sans faille de son travail, avec le Lion d’or obtenu pour son Casino dans le pavillon français de la Biennale de Venise en 2005.

Claude Lévêque et son style unique, où s’exprime une rage sensible, poétique et parfois politique, s’impose comme une figure essentielle de l’art français d’aujourd’hui. Il représentera la France à la Biennale de Venise cette année.

Fischli & Weiss, John M. Armleder sont devenus les emblèmes de l’intense vitalité de l’art suisse. Une scène marquée par des personnalités singulières tels Ugo Rondinone et Urs Fischer, ainsi que par la réinvention d’une tradition picturale héritée de l’Art concret.

Francis AlÁ¿s, pourtant citoyen belge, devient l’un des symboles de l’art mexicain d’aujourd’hui. Peu ont comme lui exploré avec tant de passion et de précision ce territoire et ses singularités.

Sophie Calle, avec ses récits autobiographiques à ramifications multiples et son exploration de l’intimité, bénéficie d’un succès international croissant marqué par une multitude de projets, ainsi le pavillon français à Venise en 2007.

Tatiana Trouvé, Saâdane Afif, Mathieu Mercier, Adel Abdessemed, Loris Gréaud… : une nouvelle génération française, particulièrement douée, acquiert une audience mondiale et s’exporte brillamment. Richard Prince, consacré par une rétrospective au Guggenheim Museum de New York en 2007, s’impose comme le chantre d’une Amérique populaire ambivalente, où se mêlent avec bonheur tous les aspects de la culture.

ET AUSSI…

« Revivals »
La mode périodique des « revivals » fait de nouveau recette dans l’art contemporain, avec la remise au goût du jour de figures comme Duane Hanson ou Haim Steinbach, ou les relectures de périodes entières telles les années 1980.

Des prix
Les Prix, très scrutés, sont devenus des facteurs essentiels de la vie artistique. Parmi les plus importants, figurent le Turner Prize, établi en 1984 à la Tate Britain à Londres ; le prix Hugo-Boss, international, fondé en 1996 et remis par la Fondation Guggenheim ; et le prix Marcel-Duchamp, remis depuis 2000 par l’Adiaf [Association pour la diffusion internationale de l’art français] à un artiste français.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°300 du 3 avril 2009, avec le titre suivant : Welcome to California

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