PERPIGNAN
La grand-messe internationale du photojournalisme peine chaque année davantage à mobiliser partenaires publics et privés pour assurer son budget.
Perpignan. La 30e édition de Visa pour l’Image ne déroge pas aux précédentes. Les sujets d’actualité dominent la programmation, tandis que photojournalistes et éditeurs photo des titres les plus prestigieux de la presse nationale ou internationale – en particulier américains – se retrouvent à Perpignan. Comme d’habitude, la sélection menée par Jean-François Leroy raconte le monde actuel. Le fondateur et directeur de ce festival ne dévie pas de sa ligne éditoriale depuis trente ans. Cette année, la situation des Rohingyas vue par l’Américaine Paula Bronstein ou le Canadien Kevin Frayer, la vie quotidienne à Gaza appréhendée de l’intérieur par le Palestinien Khalil Hamra et la guerre en Syrie couverte par Noël Quidu ou Alice Martins, comptent parmi les expositions marquantes. Les atteintes à l’environnement, à la santé ou aux droits de l’homme marquent d’autres propos au long cours, dont celui sur le parcours du jeune Afghan Ghorban Jafari suivi par Olivier Jobard depuis 2010.
Si la photographie documentaire prend de plus en plus ses quartiers aux Rencontres d’Arles, elle trouve à Visa pour l’image un de ses plus fidèles alliés et soutiens. Robert F. Kennedy Funeral train de Paul Fusco, montré actuellement à Arles, a d’abord été redécouvert il y a seize ans par la manifestation perpignanaise. Si cela a échappé à certains, les photographes, eux, ne l’ont pas oublié : à qualité égale, la photographie documentaire, selon qui la soutient ou la diffuse, n’a pas la même valeur ni ne trouve le même écho auprès des directeurs de musée, conservateurs, galeristes ou au sein même du ministère de la Culture. Visa pour l’image est ainsi le seul festival de photographie à dépendre de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), contrairement à ses confrères subventionnés par la Direction générale de la création artistique (DGCA). « Malgré les bons rapports que j’ai eus avec Renaud Donnedieu de Vabres et Frédéric Mitterrand ou que j’entretiens avec Françoise Nyssen, je n’ai toujours pas réussi à faire modifier cette situation », souligne Jean-François Leroy. Le directeur de Visa pour l’image n’est pas davantage parvenu en trente ans à faire accroître de manière substantielle la subvention allouée par le ministère. Montée à 125 000 euros du temps de Frédéric Mitterrand, elle a été réduite depuis à 100 000 euros, soit à peine 8 % du budget de 1,3 million d’euros. Quant à la troisième et dernière semaine du festival, exclusivement réservée au public scolaire, elle ne bénéficie d’aucun soutien financier du ministère de l’Éducation nationale.
Côté production ou coproduction d’expositions, aucune institution du type Maison européenne de la photographie, Jeu de paume, département photo du Musée national d’art moderne ou Tate Modern n’apparaît davantage quand on liste la programmation depuis ses débuts. Seul le centre National des arts plastiques apparaît en fidèle soutien, comme cette année encore avec l’exposition de Miquel Dewever-Plana sur les conditions de vie des mineurs de Potosí.
« Il y a un vrai problème relationnel entre les institutions et le photojournalisme », dit Jean-François Leroy pour expliquer cette situation, qui n’est pas sans conséquence sur les finances du festival. Le directeur de Visa n’aurait « jamais imaginé que la 30eédition serait aussi difficile à boucler ». La défection du magazine Elle –soit quatre mois avant la cession du titre –, partenaire depuis quinze ans, annoncée en décembre, puis celle de l’agence Getty, engagée jusque-là sur des contrats de trois ans, étaient inattendues. Sans l’aide apportée par la Fondation Yves Rocher et le partenariat signé pour un an avec la société de logiciels Adob, le bouclage du budget aurait été périlleux. Dans ce contexte plus que difficile, Jean-François Leroy n’est d’ailleurs pas peu fier de rappeler qu’« en trente ans, le festival n’a été qu’une seule fois déficitaire de 25 000 euros, en 2002 et que depuis, le budget du festival est à l’équilibre ».
Depuis dix ans, Visa dispose d’une enveloppe budgétaire de 1,2 à 1,4 million d’euros, financée selon les années pour moitié par le public et pour moitié par le privé. Sans le soutien fidèle et attentif de la mairie de Perpignan, qui met à disposition les lieux, fournit le personnel pour les encadrements, l’accrochage, le gardiennage… le festival aurait vite périclité. « Les trois maires successifs de Perpignan ont compris que Visa est un événement important pour la Ville et pour la Région »,souligne Jean-François Leroy. « Chacun s’est employé à m’en faire la démonstration. Je ne leur serai jamais assez reconnaissant. » Pour autant, le serrage des boulons de plus en plus sévère dans la presse et les économies précaires des agences de photos ont un impact sur les revenus. Les recettes assujetties à la location de stands durant la semaine professionnelle (2 800 euros) et au nombre de badges d’accréditation (60 euros) sont à la baisse. Selon les années, elles ne s’échelonnent plus qu’entre 125 000 à 140 000 euros. Pas question pourtant pour Jean-François Leroy de revenir sur la gratuité du festival : « C’est une revendication. Le jour où il n’y aura plus de gratuité, je démissionne. »
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Visa pour l’image fête ses 30 ans sous tension financière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°506 du 7 septembre 2018, avec le titre suivant : Visa pour l’image fête ses 30 ans sous tension financière