Alors que l’élite de l’architecture se penche sur l’aval de l’île Seguin qui accueillera la Fondation Pinault, les deux tiers du site vont faire l’objet d’un programme jugé de « passe-partout » par Jean Nouvel. À la tête de l’Association pour la mutation de l’île Seguin (Amis) ce dernier milite pour un respect de l’identité du lieu.
BOULOGNE-BILLANCOURT - Sortie de la manche du maire de Boulogne-Billancourt comme un magicien sort un lapin de son chapeau, la Fondation Pinault a enlevé une sacrée épine du pied de Jean-Pierre Fourcade. Les plus grands noms de l’architecture (Rem Koolhaas, Tadao Ando et Alvaro Siza, pour les plus primés) sont désormais invités à plancher sur l’île Seguin (lire le JdA n° 119, 19 janvier 2000). Oubliés les soucis et les contestations quant au réaménagement du site ! Judicieux symboliquement, le calcul ne tombe pourtant pas juste. À l’approche des échéances municipales, l’Association pour la mutation de l’île Seguin (Amis), présidée par Jean Nouvel, pointe une question laissée en suspens : à côté des 3,2 ha de la Fondation, 12 ha restent à aménager, et autant de patrimoine industriel en déshérence sur lequel il faut désormais statuer. Nouvel n’hésite pas à parler de “programme passe-partout” pour qualifier le cocktail “logements/bureaux/espaces verts” actuellement proposé – une formule pour cadres tertiaires qui fait encore fureur dans l’Ouest parisien. Certains espaces ont d’ailleurs fait l’objet d’une promesse de vente au développeur américain Hines. À l’occasion d’une exposition de projets d’étudiants à la galerie Patrick Seguin, l’association part en campagne, et a organisé le 12 février une rencontre où l’absence de l’équipe municipale en place fut remarquée.
La mutation, une solution pour sortir de la norme
Propres à “débloquer l’imaginaire”, selon Jean Nouvel, et aptes à proposer l’exploitation des potentiels du site, les études menées par des étudiants en architecture de Marne-la-Vallée offrent des développements centraux, stratifiés ou parcellaires qui entendent respecter les invariants du site, tel son aspect monolithique, tout en prenant soin de s’appuyer sur l’utilisation des nefs caractéristiques du navire Renault.
Loin de la table rase, la solution serait donc dans la mutation, un usage nécessaire “pour sortir de la norme”, estime l’architecte de l’Institut du monde arabe. Armée de ces exemples visuels et théoriques, mais encore loin de véritables projets constructibles, l’association alerte les autorités quant à l’octroi d’un permis de démolir avant la mise en route d’un projet d’urbanisme clair. Elle réclame sur ce sujet une consultation des architectes sollicités par François Pinault. Cette solution a déjà été adoptée par François Barré, mandaté par le président d’Artémis pour la mise en route du projet. Présent à l’autre bout de la chaîne avec un rôle de consultant pour G3A – la filiale de la Caisse des dépôts et consignations conseillère du syndicat intercommunal sur ce chantier –, l’ancien directeur de l’Architecture et du Patrimoine devrait donc jouer un rôle clé dans les décisions à venir. Mais une fois consultés, les architectes seront-ils écoutés ? Leurs solutions ne risquent-elles pas d’être pillées et transformées ? Enfin, François Barré, fort de son expérience de directeur de l’aménagement de La Villette, estime que le public ne sera pas assez important si la Fondation Pinault est le seul équipement culturel présent sur le site. Musée de l’automobile, de la culture ouvrière, ou de l’immigration, les compléments possibles sont aussi nombreux que le désintérêt de l’État pour la cause est manifeste. Mais l’Amis ne désespère pas de voir naître sur l’île un “centre à l’échelle de Boulogne”.
Association pour la mutation de l’île Seguin, 10 cité d’Angoulême 75011 Paris, tél. 01 49 23 83 83, fax. 01 43 14 81 10, email : ckruk@jeannouvel.fr
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Une île flottante
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°122 du 2 mars 2001, avec le titre suivant : Une île flottante