Encore peu documentée, cette « Tête de jeune femme » a été peinte à son retour de Gosol, en Catalogne, en 1906 et annonce « Les Demoiselles d’Avignon »..
Madrid. Cette Tête de jeune femme est un tableau très important dans la production de Picasso car c’est l’un des témoins de sa transition des périodes bleue et rose vers la modernité et le cubisme. Picasso peint ce portrait, vraisemblablement de Fernande Olivier, à Paris à son retour de Gosol. Son séjour de deux mois, entre mai et juillet 1906, dans ce petit village d’altitude des Pyrénées catalanes a été déterminant pour la suite.
Jusqu’alors Picasso réalise des tableaux d’une facture classique. En ce début d’année 1906, alors qu’il est déjà marqué par sa rencontre avec l’œuvre de Cézanne, il découvre au Louvre la sculpture ibérique. À Gosol, un village de montagne rustique où il visite des églises romanes, il a l’occasion de voir des formes dites primitives ou archaïsantes ; celles-ci lui ouvrent des horizons lui permettant de sortir de sa période classique dans laquelle il avait le sentiment de s’enfermer. C’est peut-être à Gosol qu’il prend conscience de la puissance expressive des masques primitifs.
De retour au Bateau-Lavoir, il poursuit dans cette veine et réalise, à l’automne, ce portrait de jeune femme qui ressemble en tout point à son autoportrait de la même époque. Même cadrage, même buste nu, même visage tourné vers la gauche du tableau, même regard inexpressif, mêmes tons ocre, souvenirs des paysages de Gosol. Le peintre simplifie la silhouette et applique une forme de masque sur le visage, fait de traits noirs très marqués. On observe dans les deux tableaux le cou disproportionné et l’oreille gauche bien en évidence.
Cette formule du masque est la solution qu’il cherchait depuis longtemps pour achever à la même époque le portrait de la poétesse et collectionneuse Gertrude Stein sur lequel il peinait. La conviction d’être sur la bonne voie est renforcée par l’examen minutieux d’une statuette d’art africain vue chez Matisse à peu près au même moment. C’est aussi au retour de Gosol qu’il démarre ses études pour Les Demoiselles d’Avignon, tableau achevé en 1907, constituant la première étape vers le cubisme.
Le Musée Reina Sofía à Madrid n’est pas démuni en Picasso, il abrite notamment Guernica, mais il manquait dans ses collections une œuvre de cette époque. C’est chose faite avec la saisie du tableau de Jaime Botín. Le gouvernement espagnol avait déposé la toile dans les réserves du musée après sa confiscation en 2015 et, lorsque les procédures judiciaires sont devenues définitives, il l’a attribué au musée, qui l’expose dans la salle des cubistes depuis le 10 février. Pour Rosario Peiró Carrasco, la directrice du département des collections du musée, c’est une aubaine : « La cote de Picasso a tellement grimpé en flèche qu’il est impossible d’en acheter un. » La communauté scientifique va aussi pouvoir étudier le tableau, jusqu’alors peu visible.
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Un tableau jalon dans l’œuvre de Picasso
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Un tableau jalon dans l’œuvre de Picasso