Devant les sénateurs, Christine Albanel a réaffirmé sa préférence pour une gratuité ciblée, jugée plus efficace et moins onéreuse.
PARIS - De fortes hausses de fréquentation mais une baisse du chiffre d’affaires des boutiques et des restaurants. Tel est le constat dressé à mi-parcours de l’instauration à titre expérimental de la gratuité dans un panel de musées et de monuments nationaux, opération lancée le 1er janvier pour six mois par le ministère de la Culture (lire le JdA no 268, 2 nov. 2007, p. 3). Le 25 mars, Christine Albanel a répondu avec une certaine franchise aux sénateurs qui l’interrogeait sur le sujet. Plaider pour la gratuité des musées relève en effet de la schizophrénie pour une ministre qui lutte par ailleurs afin de protéger les droits d’auteur du téléchargement illégal… Christine Albanel n’a d’ailleurs jamais caché son scepticisme quant à l’efficacité d’une mesure de gratuité universelle, sa préférence allant à un arsenal de mesures adaptées aux différents établissements, privilégiant les jeunes et les enseignants. Discrètement, la Rue de Valois a ainsi donné consigne aux établissements participant à l’opération de ne surtout pas lui faire trop de publicité…
Les premières données, collectées pour la période de janvier à février, révèlent que les quatorze musées et monuments nationaux ouverts en totalité gratuitement ont accusé une hausse moyenne de 65 % de leurs visiteurs par rapport à l’an dernier. De très fortes disparités sont toutefois à noter entre la hausse de 20 % au Musée Guimet, à Paris, et celle de 345 % au palais Jacques-Cœur, à Bourges (Cher). Le Musée de Cluny, à Paris, a lui connu une hausse de 76 % au mois de février. Le temps de visite aurait tendance à s’allonger. En revanche, la ministre a manifesté son inquiétude quant aux effets du « contexte de gratuité ». Outre la défection de certains mécènes, citant le cas du Musée de Cluny, elle a indiqué que les premiers résultats montrent que « l’impact de la gratuité sur le chiffre d’affaires est variable, mais n’est nulle part compensé par une augmentation des recettes annexes ». Au Musée Guimet, qui pâtit toutefois de l’annulation de l’exposition consacrée aux arts du Bengladesh, le restaurant aurait perdu 8 % de son chiffre d’affaires tandis que le panier moyen d’achat à la librairie aurait diminué.
Coûteuse expérimentation
Ces résultats devront être confirmés courant août à l’issue de l’évaluation par le cabinet Public et Culture (coût : 85 000 euros). Pour Christine Albanel, il faudra alors « choisir les bons leviers qui attireront les bons publics ». Rappelant que cette mesure ne pourra être instaurée « sans une volonté politique forte et des moyens budgétaires adaptés », la ministre a fait le point sur le coût financier de l’opération. Les pertes de recettes liées à l’expérimentation sont pour l’heure estimées à 2,22 millions d’euros. L’instauration d’une mesure de gratuité d’accès aux collections permanentes des musées nationaux pour les enseignants coûterait au moins 2 millions d’euros par an, celle destinée aux 18-25 ans entre 15 et 25 millions d’euros, de même que l’accès gratuit dominical. En revanche, le coût de la gratuité totale (pour tous et tous les jours) pourrait atteindre les 200 millions d’euros, alors que le budget de fonctionnement des musées nationaux s’élève déjà à plus de 260 millions d’euros. « Dans ce cas, nous devrions revoir radicalement le soutien public aux musées nationaux car, au-delà de la compensation intégrale des recettes, il faudrait assumer le renforcement de l’accueil du public, de la maintenance et de la surveillance », a précisé la ministre. Cette décision sera-t-elle compatible avec les mesures d’économie imposées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (lire p. 3) ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°279 du 11 avril 2008, avec le titre suivant : Un coût exorbitant