Les primitifs sont à l’honneur avec la dernière partie de la collection historique Marie-Thérèse et André Jammes. La vente Piasa fait de son côté le grand écart, du XIXe siècle à Pierre & Gilles.
Le 15 novembre, Sotheby’s procèdera à un événement de taille : la dispersion de l’ultime partie de la collection Marie-Thérèse et André Jammes. Pour rappel, la première partie de cet ensemble historique de photographies anciennes avait été vendue à Londres le 27 octobre 1999 chez Sotheby’s pour 7,4 millions de livres sterling (11,6 millions d’euros). Adjugée 507 500 livres sterling (791 000 euros), La Grande Vague – Sète de Gustave Le Gray avait alors atteint le record pour une photographie aux enchères et le meilleur prix pour une image de Le Gray. Cette vacation fut suivie les 21 et 22 mars 2002 chez Sotheby’s à Paris des deuxième et troisième volumes consacrés à la photographie française du XIXe siècle et au fonds Charles Nègre, pour un montant total de 11,8 millions d’euros. Mariant rareté, état de conservation et provenance, ce quatrième et dernier opus recèle de nouveaux trésors des maîtres de la photographie primitive française, tous autorisés à quitter le territoire français. Une longue préface au catalogue, rédigée par Sylvie Aubenas, directrice du département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque Nationale de France (BNF), laisse à penser que les Jammes ont pu donner quelques rares tirages à l’institution française pour faciliter la sortie des autres. Car, loin d’être neutres, de telles attentions des gens de musées à l’égard du marché demeurent inhabituelles.
Daguerréotypes, calotypes et un chien
Les pièces maîtresses sont un daguerréotype, vers 1850-1857, du baron Jean-Baptiste Louis Gros, pionnier de la plaque, estimé 150 000 à 200 000 euros, ainsi qu’un des premiers essais couleurs représentant une Table-Nature morte (1869) par le procédé trichrome inventé par Charles Cros, pièce de musée estimée 120 000 à 150 000 euros. Les amateurs retiendront également un fonds important de treize daguerréotypes pris en France, en Égypte, Italie et Grèce par Joseph-Philibert Girault de Prangey, estimés 10 000 à 70 000 euros pièce ; une exceptionnelle étude d’un Chêne dans la forêt de Fontainebleau, vers 1849, par Gustave Le Gray, estimée 60 000 à 80 000 euros et une sélection très rare de négatifs sur papier ciré de John Beasley Greene, estimés 12 000 à 25 000 euros. De 60 000 à 80 000 euros, l’iconique portrait de Charles Baudelaire par Étienne Carjat se trouve être la matrice originale en gélatine positive (vers 1876) qui servait à la production des tirages en photoglyptie pour la fameuse publication Galerie Contemporaine entre 1876 et 1884. De Nadar, notons un beau tirage sur papier salé de L’Apôtre Jean Journet (vers 1857), estimé 30 000-40 000 euros, et de Charles Nègre, un Portrait de chien, vers 1855, estimé 10 000 euros, qui pourrait bien voir son prix s’envoler. Car c’est un sujet rarissime pour l’époque. En 2002, lors de la vente du fonds Nègre de la collection Jammes, une image canine similaire, estimée 1 000 euros, avait été emportée par un particulier américain pour 65 150 euros. L’expert Simone Klein relève aussi « une série extraordinaire de calotypes d’Émile Pécarrère, des vues d’architecture estimées 4 000 à 10 000 euros chacune. Bien que mentionné dans des écrits, ce photographe à l’esthétisme tout à fait exceptionnel reste peu connu. »
De son côté, la maison Piasa, fidèle à son habitude, offre des tirages de toutes les périodes, au moment du grand raout international Paris Photo (lire p. 17). Pour la partie XIXe, quelques pépites sont à découvrir tel un album relié contenant soixante épreuves de fleurs photographiées dans les années 1860 par Adolphe Braun, estimé 20 000 euros, ou le Portrait de Pol Le Cœur (1848) signé Le Gray, estimé 8 000 euros, « un rarissime daguerréotype de la première période du photographe (on ne connaît que cinq daguerréotypes de Le Gray), resté jusque-là dans l’intimité familiale et qui a été révélé au public dans le cadre de l’exposition “Gustave Le Gray” à la BNF au printemps 2002 », précise l’expert Yves Di Maria. Dans un registre contemporain, Eden (Michele Hicks), photographie couleur peinte de 1993 de Pierre et Gilles, estimée 60 000 à 80 000 euros, s’annonce comme une autre star de la vente. Notons trois autres belles images, à 15 000 euros chacune : Portrait de Robert Demachy (1907) – chef de file du pictorialisme français, par Edward Steichen ; Scarred Dahomey Girl (1967), tirage d’Irving Penn de 1984, et une épreuve de La Colonne sans fin, Târgu-Jiu (1937-1938) par Constantin Brancusi, provenant de la Galerie de France. Une variante de cette image, issue de la collection Claude Berri, est partie à 21 600 euros le 19 novembre 2005 à Paris chez Christie’s. Estimée 25 000 euros, La Main de Mary Gill (1931) signée Man Ray attirera probablement l’attention. Cette épreuve d’époque partiellement solarisée, dont le négatif est conservé dans les collections du Centre Pompidou, est probablement unique. Provenant de la collection personnelle du peintre William Einstein, elle laisse apparaître la main de la première femme de l’artiste dépassant d’un voile. Enfin, signalons une quarantaine de lots de la collection Patrick Roegiers, dont « Pola Woman » : Violetta (1991), Polaroïd noir et blanc signé Helmut Newton, dédicacé au critique photographique et estimé 5 000 euros.
SOTHEBY’S, vente du 15 novembre
- Expert : Simone Klein
- Estimation : 2,2 à 3 millions d’euros
- Nombre de lots : 192
PIASA,vente du 15 novembre
- Expert : Yves Di Maria
- Estimation : 600 000 euros
- Nombre de lots : 300
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Trésors photographiques
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Abonnez-vous dès 1 €LA PHOTOGRAPHIE IV, COLLECTION MARIE-THÉRÈSE ET ANDRÉ JAMMES, vente le 15 novembre à 17h à la Galerie Charpentier, Sotheby’s, 76, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, Tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com, expositions publiques : le 12 novembre 10h-20h, les 13 et 14 novembre 10h-18h et le 15 novembre 10h-14h.
PHOTOGRAPHIES ANCIENNES MODERNES ET CONTEMPORAINES, vente le 15 novembre à 14h à Drouot, 9, rue Drouot, 75009 Paris, SVV Piasa, Tél. 01 53 34 10 10, www.piasa.fr, expositions publiques : du 3 au 7 novembre 9h-18h et le 12 novembre 9h-12h chez Piasa (5, rue Drouot) ; le 13 novembre 11h-18h et le 14 novembre 11h-12h à l’hôtel Drouot.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°290 du 31 octobre 2008, avec le titre suivant : Trésors photographiques