LILLE
Un portrait du Fayoum à la provenance douteuse a été saisi par la police en juin dernier. On ne l’apprend que maintenant.
Le journal Libération a révélé mardi 5 décembre qu'une enquête était en cours sur un portrait du Fayoum acquis en 2011 par le Palais des beaux-arts de Lille. Ce portrait d'un soldat romain sur bois date du début du IIe siècle après J.-C., et fait partie d'un ensemble d'un millier de pièces découvertes en 1880 en Haute Égypte. Les « portraits du Fayoum » suscitent un engouement constant depuis leur découverte en raison de leur finesse et du syncrétisme culturel qu’ils illustrent.
Son acquisition par le musée pour 100 000 euros (frais compris) avait été rendue possible par un financement de la mairie de Lille, de la région Hauts-de-France, une préemption de l'État et par un mécénat du Crédit mutuel. Cette pièce maîtresse des collections du musée a été acquise auprès de la maison Pierre Bergé et associés en mai 2011 sur les conseils du Musée du Louvre, selon la mairie de Lille qui a publié un communiqué le 6 décembre suite à l'article de Libération.
En réalité, l'affaire remonte à plusieurs mois, lorsque l'OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels) a saisi ce portrait en juin 2023, dans le cadre d'une vaste enquête sur un trafic d'antiquités égyptiennes dans laquelle sont cités le Musée du Louvre et plusieurs experts. En effet l'expert qui a confirmé l'authenticité du portrait n'est autre que le marchand d'art Christophe Kunicki, mis en examen, entre autres pour escroqueries en bande organisée et association de malfaiteurs dans le cadre de cette enquête ouverte en 2020.
A l’époque, le musée de Lille n'avait pas communiqué sur cette saisie par l'OCBC et l'information n'a donc été révélée que le 5 décembre. Selon la mairie de Lille, la saisie est destinée à vérifier l'authenticité de l'œuvre par des analyses en laboratoire. D'après le journal 20 minutes, sa provenance est pourtant traçable jusqu'aux années 1920 dans une collection britannique au Caire. Le portrait est attesté ensuite dans les années 1980 dans une collection américaine, et sur le stand d'une galerie britannique à Basel Ancient Art Fair en 2008 où il était proposé à 185 000 euros, toujours selon 20 minutes.
Ni le Palais des beaux-arts de Lille ni le Louvre n'ont fait de commentaires sur cette affaire qui embarrasse fortement le milieu de l'art : Christophe Kunicki était en effet le principal expert en antiquités orientales et méditerranéennes en France, et il a expertisé de nombreuses pièces acquises ensuite par des musées. Il est par ailleurs membre du comité de la Société française d'égyptologie. Christophe Kunicki et son mari sont soupçonnés par l'OCBC d'avoir profité du désordre créé par les Printemps arabes en 2011 pour sortir illégalement des antiquités d'Égypte, de Syrie et de Libye. Les certificats de provenance pourraient avoir été falsifiés, d'où la saisie des pièces acquises par l'intermédiaire du couple depuis 2011.
Dans son communiqué, la mairie annonce se réserver le droit de « porter plainte et de se constituer partie civile » si l'enquête révélait qu'il y a eu tromperie de la part des vendeurs. Cette affaire tombe mal pour le Palais des beaux-arts de Lille car de l'aveu de son ancien directeur Alain Tapié, le musée cherchait depuis longtemps à acquérir ce portrait pour enrichir ses collections égyptiennes, et c'était l'une des acquisitions les plus onéreuses du musée.
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Trafic d’antiquités, le Palais des beaux-arts de Lille à son tour concerné
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