Voici quinze ans, Jean Nouvel, associé à Philippe Starck, avait imaginé pour Tokyo un opéra en forme de diamant noir. Projet sans suite. Aujourd’hui, il y achève une tour monumentale qui clôture Ginza et s’apprête à y recevoir le prix le plus prestigieux de l’Empire du Soleil levant, le Praemium Imperiale.
L’annonce de la remise du Praemium Imperiale à Jean Nouvel devait être faite officiellement le 15 septembre 2001 et le prix lui sera remis, à Tokyo, le 25 octobre prochain. Dès le lendemain, il sera reçu en audience par l’empereur du Japon. Le pays du Soleil levant récompense l’architecte pour “l’ensemble de son œuvre”, et plus particulièrement pour la tour Dentsu qu’il édifie actuellement dans la capitale nippone.
Le Praemium Imperiale est, sans conteste, la plus importante récompense culturelle décernée au Japon, par la Japan Art Association, ancienne et considérable organisation, fondée en 1887. La liste des architectes distingués depuis 1988 est éblouissante : se sont succédé Ieoh Ming Pei (USA), Frank Gehry (USA), Kenzo Tange (Japon), Renzo Piano (Italie), Tadao Ando (Japon), Richard Meier (USA), Alvaro Siza (Portugal), ou Richard Rogers (GB).
Treizième lauréat, Jean Nouvel est aussi le premier Français à recevoir le prix, qui couronne vingt ans d’une activité intense, singulière et exemplaire, et qui s’attarde longuement sur la tour Dentsu, un mastodonte de deux cent dix mètres de haut qui clôture la perspective de Ginza, en bordure de la baie de Tokyo.
Ce mastodonte construit pour la première agence de communication du Japon, et l’une des toutes premières au monde, représente l’équivalent du Centre Pompidou en largeur, et de la tour Montparnasse en hauteur. Il démontre, une fois encore, l’exceptionnelle capacité de Nouvel à faire tout basculer dans le registre de la légèreté. Pour lui, la légèreté structurelle, la transparence, c’est avant tout la façon d’imprégner une architecture dans un site, de favoriser l’interférence du préexistant et du construit, d’intégrer tout le milieu ambiant comme composante à part entière de l’espace créé.
En plan, la tour semble une aile d’avion ou plutôt, justement, un avion furtif. Dès l’entrée, un atrium s’élance, ininterrompu sur les quarante-sept étages, ponctués par des masses qui abritent les locaux techniques, de maintenance et de service. L’atrium est traité comme une boîte à miroir, avec des garde-corps réfléchissants, des argentures, qui démultiplient l’espace à l’infini.
La façade nord, qui est tournée vers la ville et conclut l’axe de Ginza, est toute de verre et de facture “nouvellienne” classique. Un projet de mise en lumière par Yann Kersalé est actuellement à l’étude. La façade sud, la principale, offre une immense courbe de verre sérigraphié dans un dégradé qui va du blanc jusqu’à la transparence absolue à l’ouest, là où la tranche est fine comme une lame. L’impression est saisissante de jour, et plus encore de nuit grâce à ce talent, propre à Nouvel, d’affirmer que la transparence est réversible. La nuit, la lumière vient de l’intérieur et le bâtiment devient éclairant comme une lampe à l’échelle urbaine, visible, lisible en profondeur dans ses moindres détails.
Pour sa première réalisation japonaise, dotée d’un budget de plus de quatre milliards de francs, Nouvel n’a pas lésiné. Malgré les difficultés liées à l’éloignement, aux règles et à la culture, le chantier, démarré début 2000, sera livré en septembre 2002 pour le centenaire de Dentsu.
L’architecte poursuit en même temps d’autres réalisations, d’autres aventures, parmi lesquelles le Musée du quai Branly, celui de la Reina Sofia à Madrid ou encore la tour AGBAR (Agua de Barcelona) à Barcelone.
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Tour Nouvel(le)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : Tour Nouvel(le)