Tour de France (part II)

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 13 février 2008 - 1538 mots

Quels sont les principaux enjeux culturels des élections municipales dans les grandes villes de France ?

- Tour d’horizon

Lille
De Lille 2004 à Lille 3000
Forte du succès, indéniable en termes d’image pour la ville, de Lille 2004, Martine Aubry (PS), arrivée à la Mairie en 2001 et grande favorite des municipales, propose de poursuivre la « métamorphose de la ville » avec un ambitieux programme urbain. Les 20 hectares de friche de l’ancienne gare Saint-Sauveur pourraient donner lieu à un concours d’architectes urbanistes paysagistes appelés à travailler autour de la notion de « ville future », tandis que 38 hectares d’espaces verts supplémentaires pourraient voir le jour. Elle souhaite aussi ponctuer les quartiers actuellement en travaux de commandes publiques, inaugurer de nouvelles galeries d’art publiques dans les quartiers dépourvus de lieux d’exposition (notamment à Lille Sud) et lancer une « Biennale de la création lilloise » pour promouvoir la scène locale, mêlant amateurs et professionnels autour du spectacle vivant. Sans oublier la rénovation promise de l’hospice Comtesse et l’extension du Musée d’histoire naturelle (actuellement, seulement 1/10e de ses collections est visible). Le candidat UMP, Sébastien Huyghe, qui avait battu Martine Aubry aux législatives de 2002 dans la 5e circonscription du Nord, a pour sa part évoqué la création d’un « musée des arts, des savoirs et des civilisations », seule idée précise de son programme qu’il n’a, pour l’heure, pas souhaité dévoiler davantage. S’ils ont assuré à la candidate socialiste leur soutien au second tour, les Verts font campagne au premier tour autour de la candidature d’Éric Quinet. Ils recommandent l’aménagement d’une médiathèque sur la friche Saint-Sauveur, la rénovation, eux aussi, du Muséum d’histoire naturelle, et la concertation de la population sur les programmes Lille 3000, actuellement jugés trop confus. Si Martine Aubry est favorite aux municipales, elle devra ensuite remporter l’élection du conseil de la communauté urbaine de Lille-Métropole (en avril) – dont elle disputera la place à Marc-Philippe Daubresse, maire (UMP) de Lambersart –, afin de pouvoir pleinement appliquer son programme de politique urbaine et culturelle.

Lyon
Art contemporain, danse et cinéma
Quelque peu critiqué à son arrivée pour son absence de grands projets et une ambition se résumant à conforter les équipements existants, le sénateur maire Gérard Collomb (PS) semble avoir convaincu la majorité des Lyonnais, lesquels, selon un sondage IFOP (12 janvier), voteraient pour lui au second tour à hauteur de 58 % contre 42 % pour son rival Dominique Perben, ancien garde des Sceaux. Après sept années au pouvoir et 100 millions d’euros consacrés à la culture (toutes disciplines confondues), l’actuelle municipalité souhaiterait, en cas de victoire, poursuivre sa politique en faveur des arts contemporains. Avec 17,7 millions d’euros de retombées économiques pour la dernière Biennale de la danse (selon la Ville), et malgré un succès mitigé pour sa Biennale d’art contemporain, la ville donne aujourd’hui une image plus dynamique et portée sur la création contemporaine. L’ouverture des Subsistances (lieu dévolu à la danse, au théâtre, aux arts vivants) à l’école des beaux-arts et le rôle affirmé du Musée d’art contemporain ne sont pas étrangers au nouvel esprit qui anime le monde culturel. Comme nous l’a précisé l’adjoint à la culture, Patrice Béghain, le candidat PS souhaite appuyer la commande publique, particulièrement le long de la Saône, et créer un nouveau lieu dédié aux arts numériques dans la Sucrière récemment rénovée. Pour le candidat UMP, c’est une nouvelle « maison de la danse » qu’il faudrait construire (Lyon en est déjà pouvue), ainsi qu’un « centre culturel européen » réunissant les centres allemand, italien, anglais et espagnol. Il prône également la création d’un « conseil lyonnais du patrimoine » pour veiller à la partie historique inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco. Enfin, les deux candidats souhaitent s’appuyer sur l’Institut Lumière, récemment inauguré, pour développer une action en faveur du 7e art. « Il faut aussi tenir compte du cadre intercommunal lyonnais ; c’est un des grands enjeux de demain », conclut Patrice Béghain, en soulignant le rôle essentiel des cinquante-sept communes du Grand Lyon pour remporter le titre de « Capitale européenne de la culture » en 2013.

Paris
Toujours plus
Gratuité des musées ayant entraîné une nette augmentation de leur fréquentation ; lancement de « Nuit blanche », laquelle a fait des émules dans toute l’Europe ; réouverture du Petit Palais et du Musée Cernuschi ; augmentation du nombre d’ateliers d’artistes (plus 30 % en sept ans) ; création de divers lieux pour la création contemporaine (la Gaîté Lyrique, la Maison des métallos, le « 104 rue d’Aubervilliers ») : le mandat de Bertrand Delanoë (PS) aura été marqué par des mesures fortes en termes d’offre culturelle, sur lesquelles la Mairie a largement communiqué. Prêt à reprendre du service, l’actuel maire de Paris arrive en tête dans les enquêtes d’opinion avec, selon un sondage CSA-Dexia (1er février), 44 % d’intentions de vote au premier tour contre 36 % pour Françoise de Panafieu (UMP) et 9 % pour Marielle de Sarnez (MoDem), et 57 % au second tour. Dans son programme, le candidat socialiste souhaite poursuivre son action en faveur des créateurs contemporains à travers, notamment, le projet d’une vaste « Cité des arts graphiques pour la bande dessinée », « un art à part entière », insiste Christophe Girard, dont le choix d’ouvrir Nuit blanche aux arts numériques comme aux arts de la rue avait déjà fait grincer des dents. L’adjoint au maire à la culture a précisé qu’il faudrait encore renforcer la commande publique, notamment autour du tramway que le programme socialiste 2008-2014 souhaite prolonger jusqu’à la porte d’Asnières. Prudent, face à l’opposition des Verts, le maire sortant s’est par ailleurs dit favorable à la construction de tours, à condition toutefois de s’appuyer sur les normes HQE, reprenant à son compte la création du « grand Paris » annoncé par le président de la République. Le programme de la candidate UMP reste pour l’heure assez flou en ce qui concerne la culture. Il est question d’organiser des « grandes expositions au Petit Palais ou au Musée d’art moderne », de faire participer les artistes et institutions culturelles à « l’éveil des enfants », de développer la commande publique « sur les parvis des gares, aux abords du périphérique ou sur les grandes places », autant de mesures encore au stade de la réflexion. Du côté du MoDem, on revient aussi sur le développement d’un « enseignement artistique et culturel de proximité à échelle des quartiers avec des associations culturelles, artistes, enseignants et retraités pour éveiller aux pratiques des arts plastiques et à l’histoire de l’art ». Le MoDem nourrit enfin l’ambition de créer une vaste « cité de l’Europe » en plein Paris en associant centres culturels, salles de spectacles, cinémas et théâtres, un espace ouvert aux artistes et étudiants européens.

Toulouse
Au-delà du territoire
Candidate au titre de « Capitale européenne de la culture pour 2013 », Toulouse compte sur l’événement pour relancer sa politique en la matière, comme l’a annoncé le maire sortant et candidat à sa succession, Jean-Luc Moudenc (UMP), avec des projets événementiels tournés essentiellement vers la danse, les arts de la rue et du cirque. Outre les grands axes de « Toulouse 2013 » (lire le JdA no 269, 16 nov. 2007, p. 5), le candidat UMP, qui déclare y consacrer 17 % de son budget, fait pourtant peu cas de la culture dans son programme présenté au compte-gouttes au fil des semaines. Au coude à coude avec ce dernier dans les sondages, Pierre Cohen (PS) a, de son côté, livré l’essentiel de ses intentions en matière d’offre culturelle. Il souhaiterait notamment transformer l’actuel Musée des abattoirs en un établissement public de coopération culturelle, ce qui lui permettrait de mener une politique d’acquisition « plus ambitieuse ». De son côté, le Musée des Augustins est toujours dans l’attente de travaux de rénovation (lire le JdA no 269, 16 nov. 2007, p. 22). Il propose aussi la création d’une « maison des cultures urbaines », de nouveaux logements pour les résidences d’artistes, ainsi que l’installation d’un « service d’animation du patrimoine », ce en concertation avec l’État et la Région. Celle-ci, en cas de victoire socialiste, deviendrait un partenaire privilégié pour monter des opérations culturelles et permettre à une ville souvent considérée comme trop centrée sur elle-même d’étendre ses réseaux. « La ville manque d’une vision globale du fait culturel ; elle a une gestion conservatrice éloignée des aspirations du public et des artistes », résume pour sa part Jean-Luc Forget. Le candidat du MoDem dénonce un « manque de contractualisation des aides pour de nombreux acteurs culturels » et un « éclatement des secteurs culturels de la ville avec plusieurs adjoints responsables sans recherche d’une cohérence ». Pour y remédier, il propose en priorité de « nommer parmi les élus des référents culturels et responsables de secteurs ». Il recommande aussi de doter la ville d’un service municipal d’archéologie et appelle de ses vœux la création d’un « musée des arts plastiques et appliqués et des traditions populaires », et d’une « maison de la science » ou « cité des chercheurs ». Comme la majorité des candidats, à Toulouse et ailleurs, il prône une meilleure politique de tarification à destination des publics, condition sine qua non de la démocratisation culturelle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°275 du 15 février 2008, avec le titre suivant : Tour de France (part II)

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