Depuis trois ans, les foires de design foisonnent dans le sillage des salons d’art contemporain. Après l’exemple de la FIAC à Paris, la question de la fusion des événements est d’actualité.
Mobilier d’architecte des années 1950, modernisme viennois ou italien, créations contemporaines en série limitée…, dans un grand brouet baptisé design, les foires d’arts décoratifs brassent des objets fort divers dans leurs concepts et modes de production. Ces salons spécialisés bourgeonnent depuis trois ans, collant le train à ceux de l’art contemporain. Et pour cause, 90 à 95 % des acheteurs de « design » sont des collectionneurs d’art actuel. Cette capillarité, marquée par l’intégration du design à la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) de Paris dès 2004, s’est quasi institutionnalisée lorsque la foire Art Basel a racheté à l’automne dernier 10 % de Design Miami, lancé en 2005, et 50 % de sa bouture bâloise, initiée en 2006. Quel est l’intérêt de ces joint-ventures ? Des opérations de communication communes, un partage de la logistique, bref une économie d’échelle.
Opportunément greffées à l’art contemporain, les foires de design ne doivent toutefois pas oublier que leur marchandise n’est pas aussi extensible que la création actuelle. De fait, un effet de lassitude peut se profiler, tout comme une illusion d’abondance alors que les marchands arguent de la rareté pour justifier parfois des prix. Pour Patrick Perrin, organisateur du Pavillon des arts et du design, à Paris, et initiateur de la Design Art London en 2007 et d’un nouveau salon à New York prévu pour 2009, l’ennui n’est pas d’actualité, car les publics diffèrent d’une ville à une autre. « Pour les spécialistes, cela semble vu et revu, mais ces foires ne sont pas encore à maturité, renchérit le marchand François Laffanour. Une catégorie de gens peut encore être intéressée. La formule n’est pas éculée. » Peut-être, mais comment ces manifestations peuvent-elles se renouveler alors que le socle de marchands de qualité se réduit à tout casser à une quinzaine d’intervenants ? Seules les galeries dotées d’un stock très varié peuvent éviter l’effet de déjà-vu. Ainsi, Sebastian-Barquet (New York) a-t-il présenté sur Design Miami, à Bâle, Gio Ponti et s’est plutôt concentré sur Nakashima au Pavillon des arts et du design.
Marchands instrumentalisés
Si Design Miami semble en perte de vitesse depuis l’an dernier, la faute n’en revient pas à l’achalandage, mais à l’organisation chaotique et à l’exiguïté du Moore building, à Miami. Au point que la moutarde est montée au nez des exposants. « Les organisateurs nous font des leçons d’excellence, et pourtant ils ont mis en première ligne le mobilier de Star Trek acheté par des marchands chez Christie’s. C’est n’importe quoi ! On a réduit le design au rang de décor de théâtre », s’indigne encore un participant. Les marchands ont, par ailleurs, l’impression d’être les dindons d’une farce immobilière, instrumentalisés pour doper la valeur du Design district, propriété du collectionneur Craig Robins. En décembre dernier, l’inauguration de la foire a été aussi trop tardive par rapport au vernissage d’Art Basel Miami Beach, une partie de la clientèle ayant déjà filé à New York. Surtout, le Design District est trop éloigné du Convention Center, siège d’Art Basel Miami Beach. « Nous manquons d’espace au Moore building, admet Ambra Medda, directrice du salon. Nous cherchons un nouveau lieu peut-être sur la plage dans une structure fixe ou temporaire, peut-être au Convention Center. En tout cas, en décembre, nous serons résolument sur un autre site. » Un rapprochement géographique avec Art Basel est aussi dans l’air pour l’an prochain à Bâle, peut-être dans des bâtiments mitoyens de la Messe.
Cette pavane est-elle le prélude à une insertion définitive du design dans les foires d’art à l’image de la FIAC ? Les galeries à cheval sur les deux mondes comme Kreo (Paris) ou la toute jeune Carpenters Workshop (Londres) la réclament de leurs vœux. « Nous sommes producteurs, nous fonctionnons comme une galerie d’art contemporain. L’idée du meuble en tant que tel ne nous intéresse pas. Dans une foire de design, les gens parlent de chaises. Dans une foire d’art contemporain, l’esthétique prévaut sur la fonction », indiquent Loïc Le Gaillard et Julien Lombrail, directeurs de Carpenters Workshop. « C’est peut-être encore tôt, mais à terme, ce serait plus simple si c’était intégré, observe pour sa part Francis Sultana, directeur de la galerie David Gill. Les gens ont de moins en moins le temps de courir tous les événements, et ils auraient tout sous un même toit. La qualité serait aussi meilleure car le nombre d’exposants serait plus réduit. » Pour Éric Bonnin, de Sebastian-Barquet, « le marché est toutefois compétitif, et quelqu’un qui achète déjà une table à 60 000 euros réfléchirait peut-être à deux fois avant d’acheter sur la même foire une œuvre d’art contemporain. »
En attendant d’éventuelles fusions, des rumeurs de nouveaux salons se profilent dans les pays émergents. « Nous voyageons ensemble avec les organisateurs de la foire de Bâle pour explorer de nouveaux territoires en Chine et au Moyen-Orient, confie Ambra Medda. On évalue les lieux pour y monter soit ensemble, soit indépendamment des événements. Mais on ne va pas aller créer du jour au lendemain une foire. On commencera avec des tables rondes, une exposition, des installations publiques, en organisant des dîners pour sensibiliser les communautés locales. » Car, pour l’heure, ces pays restent des terra incognita. « Shanghai est un marché naissant, souligne le marchand parisien Patrick Seguin. Pour l’instant, je n’ai jamais vendu à un Indien ou un Chinois, et je n’ai fait qu’une facture à un Russe.
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Salons et canapés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : Salons et canapés