Alors que l’Assemblée nationale s’intéresse à la situation des centres culturels français à l’étranger (après le rapport rendu par Yves Dauge), le Sénat se penche, quant à lui, sur les modes de fonctionnement de la villa Médicis. Si l’objectif avoué est l’amélioration de l’organisation de cette institution mythique, les solutions proposées demeurent sujettes à caution.
PARIS - Chargé au nom de la commission des Finances d’effectuer une mission de contrôle à l’Académie de France à Rome, le sénateur Yann Gaillard vient de publier ses recommandations dans un rapport intitulé La Villa Médicis, le mythe et les réalités. Le ton du sénateur, qui se veut d’une prudence toute diplomatique dès l’introduction, ne réussit pas d’emblée à faire comprendre ce qui a pu motiver cette mission de contrôle. L’intention aurait sans doute été plus claire si la commission des Affaires culturelles, a priori plus concernée, s’était emparée du sujet. Acceptons le transfert des compétences et admettons que la commission des Finances soit plus à même d’expertiser les comptes du prestigieux établissement qu’est l’Académie. Le lecteur curieux présuppose que les observations de Yann Gaillard porteront logiquement sur un strict aspect financier. Le sénateur précise en effet qu’il “n’a aucune intention de remettre en cause le principe de l’autonomie de la sphère culturelle (...). Il n’appartient pas au ‘politique’ de délivrer des diplômes ni de juger des qualités des artistes. En l’occurrence, il ne s’agit même pas, bien que cela eût été concevable, de s’efforcer d’évaluer l’efficacité de l’institution (...). Le propos (...) est, plus prosaïquement, de se placer sur le plan des procédures pour apprécier, au-delà des questions de régularité et d’opportunité financières, la cohérence des modes de sélection et du déroulement du séjour (...)”. Les points d’achoppement ne portent donc pas sur une mauvaise gestion de l’établissement, due à une envolée des dépenses par exemple (les analyses ne font pas mention de dépassements incontrôlés), mais sur sa cohésion interne. Les enjeux financiers sont d’ailleurs, comme l’admet en préambule Yann Gaillard, “limités” : en 1999, le budget s’élevait à 33,162 millions de francs. L’extrême diversité des disciplines représentées, le peu d’intérêts communs partagés par les pensionnaires, et l’affaiblissement de la place de Rome sur l’échiquier artistique international sont quelques-uns des problèmes évoqués qui, malgré les dénégations du rapporteur, apparaissent comme autant de remises en cause implicites de l’utilité même de l’Académie de France. Le plus souvent contradictoires ou obsolètes, les solutions préconisées par cette étude dépassent le cadre dans lequel elles étaient censées être circonscrites pour empiéter largement sur la “sphère culturelle”. Regrettant la faible audience des expositions d’art contemporain organisées à la villa Médicis, le sénateur préconise l’accueil d’une “exposition majeure organisée à Paris par la Réunion des musées nationaux”, ceci afin de financer des expositions moins “grand public”, ce qui paraît en complet décalage avec la spécificité (lien étroit avec le pays et la ville d’accueil) et la mission (la villa Médicis n’est pas un musée) de l’institution, réduite dans cette hypothèse à une simple coquille vide. Quant au rôle du directeur, que le sénateur souhaite voir devenir omnipotent, notamment dans le mode de recrutement des pensionnaires, il est, de l’avis même de l’intéressé, Bruno Racine, suffisamment affirmé : “La diversité des disciplines présentes à l’Académie fait que le directeur ne saurait assumer seul la responsabilité directe ou indirecte des choix comme semble le suggérer le rapport. L’Académie ne saurait s’identifier aux choix personnels d’un directeur, si prestigieux fût-il. À cet égard, on notera que Balthus s’est toujours gardé de cette tentation.” Si par définition toute institution reste perfectible, il apparaît logique que des experts se penchent sur les moyens d’y parvenir. Il faut cependant que la critique soit constructive, et plus encore, pertinente. Par ailleurs, une autre étude, diligentée cette fois par l’Académie et la Délégation aux arts plastiques (Dap) du ministère de la Culture, est en cours d’élaboration par le Laboratoire du centre de sociologie européenne de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Créée en 1666 par Colbert, l’Académie de France à Rome est installée, depuis le début du XIXe siècle, sur les hauteurs du Pincio, dans la fameuse villa Médicis. Après avoir accueilli en résidence pendant plusieurs décennies les lauréats du Prix de Rome (distinction supprimée en 1968 par André Malraux), elle reçoit encore aujourd’hui une vingtaine de pensionnaires chaque année, dont la durée du séjour varie généralement entre six et vingt-quatre mois. Suivant l’évolution des pratiques artistiques, le nombre des disciplines s’est enrichi au fil des années : aux matières “traditionnelles”? comme les arts plastiques et la musique se sont greffés de nouveaux domaines : le cinéma, l’histoire de l’art, la restauration d’œuvres d’art, les arts culinaires… Alors que débute la dernière phase de restauration des façades historiques de la villa Médicis, le ministère de la Culture lance un vaste programme de rénovation des espaces d’exposition, de travail et d’habitation, d’un montant global de 40 millions de francs sur quatre ans. Le concours de recrutement est suspendu cette année à cause des travaux, et sera rétabli en 2002.
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Rapport académique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Rapport académique