Depuis que le vice-président (ministre) de l’Économie, Rodrigo Rato, et le secrétaire d’État à la Culture, Miguel Angel Cortés, ont annoncé l’été dernier que les collections d’œuvres d’art des entreprises publiques ou à participation de l’État pourraient éventuellement intégrer les collections nationales dans le cadre du plan de privatisation entrepris par le gouvernement, la situation n’a guère évolué.
MADRID (de notre correspondant). Quatre collections d’entreprises sont, en principe, concernées par le plan de privatisation engagé par le gouvernement espagnol : celles de la Telefónica, d’Argentaria, de l’Instituto de Crédito Oficial (ICO) et de la Tabacalera. La possibilité d’intégrer dans les musées espagnols ces collections très différentes les unes des autres, tant par les époques qu’elles couvrent que par la qualité des œuvres qu’elles comptent, a été étudiée par un groupe de conservateurs du Musée du Prado et du Centro de Arte Reina Sofía (Trinidad de Antonio, José Luis Díez et Paloma Esteban). À l’heure actuelle, la seule entreprise totalement privatisée est la Telefónica, et c’est également la seule avec laquelle un accord a été conclu concernant l’avenir de sa collection. Selon Roberto Velázquez, gérant de la fondation chargée de la collection, et José Guirao, directeur du Reina Sofía, l’accord qui devrait être signé ce mois-ci prévoit un dépôt temporaire de la totalité de la collection au Reina Sofía pour une durée de quatre ans, avec possibilité de prorogation annuelle. Cette importante collection est composée essentiellement d’œuvres de Juan Gris, Luis Fernández, Chillida et Tápies, et de quelques œuvres mineures de Picasso. Le Reina Sofía a consacré des salles à chacun de ces artistes et, d’après José Guirao, les œuvres de Chillida et de Juan Gris sont particulièrement indiquées pour combler certains manques du musée qu’il dirige. De son côté, Roberto Velázquez insiste sur le fait que la participation publique dans Telefónica est minoritaire et que cette entreprise n’a jamais été financée par l’argent de l’État. Il fait aussi remarquer que le conseil d’administration n’a pas envisagé la possibilité d’une cession définitive, puisque cet actif évalué à plusieurs milliards de pesetas a été acquis sur fonds propres. Il signale en outre que la collection est exposée en totalité au public, qui peut la visiter gratuitement au siège de Gran Vía à Madrid, ce qui ne sera plus le cas lorsqu’elle sera au Reina Sofía.
Goya en double emploi
La collection d’Argentaria est assez importante, mais hétérogène. Fruit de l’alliance de plusieurs groupes bancaires (Banco Exterior, Hipotecario, Caja Postal...), elle comprend des œuvres allant du XVIIe siècle à nos jours. Certaines pièces intéresseraient le Prado et d’autres le Reina Sofía, bien que les œuvres modernes et contemporaines soient moins nombreuses, à l’exception notable d’un Tápies de 1955. "C’est une collection très riche à bien des points de vue et tout y est intéressant, à commencer par des Goya, deux Murillo, un Van Dyck", précise Trinidad de Antonio, même si elle ajoute que certaines œuvres pourraient faire doublon, comme un Goya – Carlos III en chasseur – très similaire à celui que possède déjà le Prado. Pour ce qui est de l’Instituto de Crédito Oficial, la situation est très différente puisqu’il ne peut être, de par sa nature, privatisé. La collection de l’ICO est composée d’une édition complète de la Suite Vollard de Picasso, d’une belle collection de "Sculptures modernes espagnoles avec dessins", qui s’étend de Picasso à nos jours, et d’une troisième partie intitulée "Peinture espagnole contemporaine", rassemblant des artistes comme Barceló, Sicilia, Pérez Villalta, Gordillo ou Navarro Baldeweg. Quant à la collection de la Tabacalera, la plus modeste et la plus disparate des quatre, elle ne semble pas attirer les convoitises. Le Prado pourrait être intéressé par un portrait de Goya, mais le Reina Sofía n’a pas exprimé sa volonté d’intégrer les quelques pièces contemporaines qu’elle comprend.
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Privatisation à l’espagnole
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°41 du 4 juillet 1997, avec le titre suivant : Privatisation à l’espagnole