LONDRES / ROYAUME-UNI
Construit en 1929, le magasin londonien pourrait être démoli pour reconstruire un immeuble neuf de dix étages.
Londres. Après trois ans de polémique, le gouvernement britannique a autorisé début décembre 2024 la démolition du bâtiment historique de Marks & Spencer. Situé sur Oxford Street, le cœur commercial de Londres, ce bâtiment construit en 1929 avait pourtant été répertorié en tant que monument historique. Mais les défenseurs du patrimoine n’ont pas réussi à faire le poids face aux objectifs économiques du nouveau gouvernement mené par Keir Starmer, chef du Parti travailliste.
À l’origine, la demande de permis de construire avait été déposée en 2021 par les promoteurs chargés du projet de transformation de Marks & Spencer. Le bâtiment Art déco n’est plus adapté à son usage, selon ses derniers. Leur objectif est de reconstruire un complexe de dix étages entièrement neuf, comprenant des bureaux en plus du magasin.
L’organisation Save Britain’s Heritage lutte contre ce projet et suggère une réhabilitation plutôt qu’une démolition. Menant bataille depuis 2022, elle a monté un dossier portant sur la préservation du patrimoine architectural d’Oxford Street. « Ce bâtiment a été construit juste à côté du grand magasin Selfridges, détaille Henrietta Billings, la directrice de l’organisation. Il est construit dans un style similaire à ce très beau bâtiment comportant des colonnes et de la pierre de Portland. »
Outre l’aspect architectural, Save Britain’s Heritage a mis en avant l’impact environnemental d’un tel projet. « Pour la première fois, nous avons commandé une étude spécifique pour comparer les émissions liées à la démolition et à la construction d’un nouvel immeuble en comparaison avec la modernisation du bâtiment. » Selon l’organisme, le projet de réhabilitation est moins coûteux d’un point de vue écologique qu’une reconstruction complète. Il souligne aussi que les performances énergétiques du bâtiment pourraient atteindre jusqu’à 95 % de celles d’un immeuble reconstruit à neuf. Ce point était en effet un argument utilisé par les responsables de Marks & Spencer pour justifier la destruction de l’ancien bâtiment.
Une enquête publique est finalement lancée. En juillet 2023, Michael Gove, le précédent ministre du Logement, décide de bloquer l’autorisation accordée à Marks & Spencer sur le fondement des deux arguments du dossier. Les responsables du magasin reprochent alors au gouvernement conservateur d’être « anti-business ». Ils menacent de remettre en cause la présence même de Marks & Spencer sur la plus importante rue commerçante du Royaume-Uni et renvoient l’affaire au tribunal. Début 2024, les juges de la Haute Cour d’Angleterre concluent que le ministre a commis une erreur d’interprétation du droit et que rien ne permettait de refuser ce permis de construire. La réévaluation du projet a ensuite été suspendue en raison des élections législatives. Mais le Labour, qui est arrivé au pouvoir en juillet dernier, soigne depuis plusieurs années ses relations avec les milieux d’affaires. Angela Rayner, la nouvelle ministre du Logement, accorde ainsi sans hésiter le permis de construire aux promoteurs. « La considération économique de ce projet est importante et il ne fait aucun doute que la politique joue un rôle significatif dans ce type de décision », déplore Henrietta Billings. Le futur du bâtiment repose désormais entre les mains des responsables de Marks & Spencer, qui ont indiqué vouloir mettre leur projet en œuvre rapidement.
L’affaire a eu le mérite de relancer le débat entre réhabilitation et reconstruction en Angleterre. Save Britain’s Heritage fait d’ailleurs de ce sujet sa nouvelle bataille. L’organisme milite désormais pour une réforme du système d’urbanisme national en faveur de la réutilisation des bâtiments existants. « En 2021, il n’existait pas de politiques publiques pour obliger les promoteurs à prouver qu’ils avaient épuisé toutes les solutions de réhabilitation avant d’envisager un projet de reconstruction », précise Henrietta Billings. Si cela avait été le cas, selon la directrice, les promoteurs de Marks & Spencer auraient été contraints de repenser leurs plans.
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Menaces sur le bâtiment historique de Marks & Spencer
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°647 du 17 janvier 2025, avec le titre suivant : Menaces sur le bâtiment historique de Marks & Spencer