Marc Fumaroli (1932-2020)

Paris. Le long article que Marc Fumaroli a donné le 31 mars dernier (il a tenu à faire figurer la date) à la revue Commentaire est sans doute son dernier texte publié. Dans une écriture érudite, parfois exigeante, faisant de longues digressions historiques, l’académicien se demande si Léonard de Vinci est un « prophète ou un ancêtre ? ». On se plaît à penser que le pamphlétaire s’interrogeait aussi sur lui-même.

Car cette figure du monde des arts et des lettres n’a cessé de guerroyer contre une certaine modernité. Agrégé et docteur en lettres, professeur à la Sorbonne puis au Collège de France, ce spécialiste des écrivains du XVIIe siècle puis plus tard du XIXe, a acquis une notoriété au-delà de son cercle universitaire en publiant en 1991 L’État culturel. Essai sur une religion moderne (éd. de Fallois). Dans ce livre il « reproche à l’institution […], pour avoir l’air d’avant-garde, [de] sacrifie[r] ses fonctions conservatrices», comme il le redira en 1999 à L’Express. Cela ne l’empêche pas de devenir président de la Société des Amis du Louvre en 1996 et d’être réélu jusqu’en 2011.

Pas étonnant non plus que ce gardien de la « haute culture » dise pis que pendre de l’art contemporain comme dans une tribune parue dans le Monde en 2010 à propos de l’exposition des œuvres de Takashi Murakami à Versailles, qualifiées de « jouets japonais » : « Pourquoi dissimuler au public le fait que l’art dit “contemporain”, cette image de marque inventée de toutes pièces par un marché financier international, n’a plus rien de commun, ni avec tout ce que l’on a appelé “art” jusqu’ici, ni avec les authentiques artistes vivants mais non cotés à cette Bourse ? » Au fond ce libéral en économie, longtemps membre du comité de rédaction de la revue de Raymond Aron, détestait les dérives mercantiles.

Il concluait son article sur Léonard en considérant que celui-ci était « l’ultime génie universel de la science grecque et de sa fécondité ». Ancêtre plutôt que prophète. En un sens, Marc Fumaroli voulait incarner l’ultime génie universel de la haute culture.