À la veille de la 23e édition des Journées du patrimoine, le Premier ministre a annoncé le déblocage de près de 140 millions d’euros sur les quinze prochains mois.
AMIENS - Le ministre de la Culture et de la Communication est-il condamné à jouer les éternels seconds rôles ? Après les annonces en faveur de la création artistique faites dans le cadre de la FIAC (Foire internationale d’art contemporain) l’an passé, c’est de nouveau au Premier ministre, Dominique de Villepin, qu’a été dévolu le rôle de pompier pour tenter de mettre un terme à la crise qui agite le secteur des monuments historiques depuis 2003 (lire le JdA no 212, 1er avril 2005, p. 5). Alors que, dans le cadre de sa conférence de presse de lancement des Journées du patrimoine, puis devant la mission d’information sur la conservation et l’entretien du patrimoine de l’Assemblée nationale, Renaud Donnedieu de Vabres a dû se contenter de rappeler le contenu des ordonnances de septembre 2005 (lire le JdA no 221, 23 sept. 2005, p. 3), Dominique de Villepin a eu le privilège de dévoiler le montant des nouvelles rallonges financières attribuées au patrimoine. C’est à Amiens, fief du ministre de l’Éducation nationale, Gilles de Robien (UDF), et après une visite détaillée de la cathédrale dont le chantier de restauration a été interrompu au printemps faute de crédits, que le Premier ministre a choisi de prononcer un discours-fleuve détaillant les engagements exceptionnels de l’État. 24 millions d’euros de crédits, déjà votés mais placés en réserve au début de l’année, devraient être immédiatement dégelés pour la relance de quelques-unes des 240 chantiers en berne. En 2007, 70 millions d’euros de « recettes pérennes » seront prélevés sur les droits de mutation pour le compte du patrimoine et s’ajouteront aux crédits budgétaires. À ce titre, 50 millions d’euros pourraient être versés de manière rétroactive pour l’année 2006. Autre nouveauté : cette somme sera affectée au Centre des monuments nationaux (CNM), dont le rôle se limitait jusque-là à la gestion de quelques monuments historiques appartenant à l’État. Le CNM devra désormais assumer une « maîtrise d’ouvrage élargie» dont les contours n’ont pas été précisés.
Prudence
Si, pour Christophe Eschlimann, le président du Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH) – qui avait saisi les services du Premier ministre –, cette annonce ressemble à une victoire, la prudence reste toutefois de mise. « Si la prochaine loi de finances n’est pas à la hauteur, ce sera encore un coup d’épée dans l’eau », a-t-il prévenu. L’expérience de l’annonce des 100 millions d’euros alloués en 2005 au « patrimoine » sur le compte des recettes des privatisations est en effet toujours dans les mémoires. « Seuls 30 millions ont en réalité été affectés aux monuments historiques, rappelle le président du GMH. Le reste a été englouti dans le programme “Patrimoines”, qui englobe également les grands travaux. » Les professionnels du patrimoine dénoncent unanimement un manque de transparence dans l’affectation des crédits.
Quand l’État n’assume plus la maîtrise d’ouvrage…
Dans le cadre des 23e Journées du patrimoine, plusieurs associations ont par ailleurs tenu à rappeler l’ampleur de la crise. Côté entreprises de restauration, l’arrêt des chantiers, faute de subventions de l’État, a provoqué en 2005 près de 700 licenciements directs et une diminution de 55 % du nombre d’apprentis. Sortant pour la première fois de leur devoir de réserve, les maîtres d’œuvre, par la voix de Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques et président du Collège des monuments historiques, ont insisté sur le coût de ces arrêts de chantier, « équivalent à 10 % des budgets ». « En Bourgogne, ce sont 500 000 euros qui sont ainsi partis en fumée, a précisé Frédéric Didier. Le ministère de la Culture est asphyxié par ses engagements et a érigé les expédients en système, alors que le patrimoine nécessite une vision sur le long terme. » De leur côté, les propriétaires privés – à qui appartient plus de la moitié des monuments protégés –, représentés par l’association La Demeure historique (DH), ont souhaité rappeler que l’État était moteur des cofinancements. « Or quand l’État n’assume plus la maîtrise d’ouvrage, il n’est plus maître de l’échéancier », constate Jean de Lambertye, président de la DH. De nombreux chantiers se poursuivent donc sans que l’État ne débloque ses crédits, collectivités locales et propriétaires privés faisant alors « la banque de l’État ».
Si les spécialistes estiment à un milliard d’euros la somme nécessaire pour résorber totalement le problème, un rapport sénatorial de juillet stipulait qu’un plan pluriannuel de 350 millions d’euros par an permettrait déjà de gérer le long terme. Après cette louable déclaration d’Amiens – qui n’engage toutefois que les deux années à venir –, tout se décidera désormais dans la prochaine loi de finances. Qui sera décisive pour l’avenir du patrimoine.
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Les nouvelles mesures de Villepin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°243 du 22 septembre 2006, avec le titre suivant : Les nouvelles mesures de Villepin