Lors d’un discours devant l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2002, George W. Bush avait créé la surprise en annonçant le retour des États-Unis au sein de l’Unesco, l’organisation culturelle des Nations unies. En février 2003, lorsque les yeux du monde étaient rivés sur le Golfe persique, l’administration Bush demandait au Congrès de débloquer les 17,4 millions de dollars (14,8 millions d’euros) nécessaires à cette réintégration. Cette annonce fut interprétée comme un geste d’ouverture, à l’heure où le gouvernement américain s’efforçait d’obtenir l’adhésion internationale à son projet de désarmement de l’Irak. Mais, loin de promouvoir la collaboration internationale, l’adhésion à l’Unesco constitue, pour les Etats-Unis, une arme supplémentaire dans la guerre contre le terrorisme.
WASHINGTON, DC - En 1984, les États-Unis, le Royaume-Uni et Singapour ont décidé de quitter l’Unesco. Ce départ marquait leur protestation contre la mauvaise gestion, la corruption et le penchant marqué de l’organisme pour les pays du tiers-monde ; le G77, groupe composé de pays en voie de développement, souhaitait instaurer un système d’accréditation des journalistes, limitant ainsi le contrôle occidental sur l’information, et la délégation américaine y avait vu une menace à la liberté d’expression. Par ailleurs, selon Ray Wanner, délégué des États-Unis à l’Unesco pendant vingt-trois ans, “certaines personnes du gouvernement américain, essentiellement des républicains de droite qui voulaient quitter l’Unesco parce qu’ils n’aimaient pas le système des Nations unies dans son ensemble, ont saisi cette occasion.” Dans leur esprit, “le retrait de l’Unesco n’était que le premier pas vers le retrait de l’ONU et la neutralisation d’un système qui limitait [les] possibilités [des États-Unis] d’agir unilatéralement dans le monde.”
Depuis l’arrivée en 1999 de l’ancien ministre adjoint des Affaires étrangères du Japon, Koïchiro Matsuura, au poste de directeur général de l’Unesco, l’organisation s’est rachetée une conduite, limitant le nombre de ses employés, recrutant en fonction des compétences, fournissant une plus grande transparence des comptes et réaffirmant son engagement en faveur de la liberté de la presse et de l’éducation pour tous. Trois ans plus tard, George W. Bush a annoncé à l’ONU le projet de réintégration des États-Unis et, en février 2003, son administration a demandé au Congrès de débloquer les 17,4 millions de dollars nécessaires à ce retour.
Si cette nouvelle adhésion à l’Unesco semble aller à l’encontre de la politique actuelle de l’administration américaine, qui préfère se retirer des accords multilatéraux et réduire les budgets alloués à la diplomatie, le département d’État l’envisage comme un prolongement de sa politique extérieure, aujourd’hui dédiée à la lutte contre le terrorisme. Présentant son budget devant la commission des affaires étrangères du Sénat, le secrétaire d’État Colin Powell a salué le travail de l’Unesco qui, a-t-il dit, contribue à la paix et à la sécurité tout en assurant la promotion de la collaboration et de la compréhension entre les cultures.
Les intérêts nationaux américains
Mais il a aussi mentionné une volonté stratégique de “continuer à éliminer tout soutien aux terroristes et de les priver ainsi de toute base de repli, grâce à une diplomatie culturelle persévérante, aux programmes [américains] d’échanges culturels et éducatifs et à la diffusion internationale de programmes audiovisuels.” Il a rappelé que les États-Unis consacrent 296,9 millions annuels de dollars à cette diplomatie de la communication “qui inclut des projets culturels et d’information menés par des missions à l’étranger. Ces ressources sont utilisées pour toucher, informer et influencer les publics étrangers, et pour élargir le dialogue entre les institutions et les citoyens des États-Unis et d’autres pays.”
Ce retour à l’Unesco jouit d’un soutien bilatéral grâce au démocrate Tom Lantos, élu de Californie et chef de la minorité démocrate au sein de la commission des relations internationales de la Chambre des représentants. “L’adhésion à l’Unesco va très clairement dans le sens des intérêts nationaux américains, estime le parlementaire. En promouvant l’éducation et la collaboration scientifique dans le monde, l’Unesco lutte contre les menaces nouvelles qui pèsent sur la sécurité des États-Unis, au nombre desquelles les risques environnementaux, la corruption des dirigeants et la propagation de maladies infectieuses.”
Lors de la conférence générale de l’organisation, qui doit se tenir à Paris du 28 septembre au 18 octobre, les diplomates américains rencontreront les représentants de 189 pays, dont 130 à un niveau ministériel. Pour Ray Wanner, ce retour à l’Unesco offrira aux États-Unis de nouvelles possibilités d’exercer une diplomatie de la communication : “L’Unesco peut offrir un point de rencontre aux plus grands penseurs de l’islam et de la chrétienté afin qu’ils délibèrent sur la question suivante : cette incompréhension est-elle irrémédiable ? L’Unesco offre un espace pour ces échanges d’idées, c’est une occasion magnifique pour nous à condition que nous sachions nous en servir.”
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les Etats-Unis rejoignent l’Unesco
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°174 du 27 juin 2003, avec le titre suivant : Les Etats-Unis rejoignent l’Unesco