STOCKHOLM / SUÈDE
Inventoriée dans l’héritage d’un expert de la numismatique française, une coupe nautique dérobée au Musée national de Stockholm est au cœur d’une bataille judiciaire.
Stockholm. Jugements, arrêts, pourvoi en cassation, ordonnances, décisions, renvois… depuis quatre ans, une âpre bataille judiciaire oppose le Nationalmuseum de Stockholm et la famille de l’expert en numismatique Jean Vinchon, à propos d’une coupe nautile d’origine suédoise. Une lutte féroce et, pour autant, d’un côté comme de l’autre, on observe le silence le plus absolu. Le prélude à un compromis ou une simple pause avant une nouvelle passe d’arme ? Décédé en 2003, Jean Vinchon est une figure éminente de la numismatique française. Depuis ses débuts en 1942, il est devenu membre fondateur de la société internationale des numismates, il est présent dans de multiples organisations professionnelles et expert auprès des douanes et de nombreuses juridictions. Il laisse derrière lui une collection que ses héritières décident de mettre en vente. C’est la maison Binoche & Giquello qui est chargée de la vente.
En septembre 2013, préalablement à la vente, l’étude des commissaires-priseurs entre en relation avec le Nationalmuseum de Stockholm afin d’approfondir leurs vérifications. En effet, parmi les objets présentés par les héritières Annette et Françoise Vinchon pour le compte de leur mère Gilberte, figure une coupe nautile. Soit une coupe en or et argent, sertie de pierres précieuses, qui porterait une inscription « NM 85/1904 » correspondant à l’indexation utilisée par le musée suédois. Cette indexation signifie qu’il s’agit du 85e objet à être entré en possession du musée en 1904 et plus précisément le 30 septembre. Volé dans une galerie du musée le 26 juillet 1983, c’était un présent de Carl Féron, orfèvre à la cour de Suède qui a présidé aux destinées de l’atelier Möllenborg créé en 1821 par Gustav Möllenborg. Par ailleurs, la coupe nautile porterait les mêmes poinçons « GM 18 K » pour (Gustav Möllenborg) que celui qui a disparu du musée. « Il ressort des pièces produites une très grande similitude entre la coupe dérobée au Nationalmuseum de Stockholm et celle de l’objet du litige (…) », souligne le juge saisi au printemps 2014.
Autant d’éléments qui ne désarment pas, loin s’en faut, les héritières de Jean Vinchon qui font valoir leurs arguments : notamment que l’action en revendication du musée a été prescrite au bout de trois ans, soit en juillet 1986, et rejette l’un des arguments du musée sur l’imprescriptibilité de sa revendication. Pour l’institution, au contraire, s’agissant d’un bien public hors du commerce, son action est imprescriptible. Par ailleurs, dans son dernier arrêt la cour d’appel commente ainsi l’argumentation du musée qui « (…) relève à juste titre que les conditions et circonstances de temps et de lieu d’entrée en possession de la coupe par M. Jean Vinchon, qui se revendiquait “grand amateur d’art”, demeurent à ce jour parfaitement indéterminées, aucun titre d’acquisition n’ayant pu être produit ».
Comment donc une pièce volée, qui plus est dans un musée, a-t-elle pu finir dans la collection de cet illustre expert ? Et s’agit-il de la même coupe nautile ? Dès le début de la procédure, la famille s’est opposée farouchement à la décision de l’ordonnance de référé du 8 avril 2014, qui répondait favorablement à la demande d’expertise formulée par le Nationalmuseum de Stockholm. Après moult rebondissements procéduraux, c’est un retour à la case départ si l’on s’en tient à l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 25 mai dernier, qui confirme les dispositions de l’ordonnance d’avril 2014, soit la demande d’une expertise. L’expert nommé, Guy Kalfon, se réfugie derrière le secret professionnel. Tout comme le commissaire-priseur Alexandre Giquello.
Quelle est la valeur de cette coupe nautile de style Renaissance exécutée à la fin du XIXe siècle? Pour le Nationalmuseum de Stockhom, il s’agit « d’une pièce exceptionnelle qui n’a aucun équivalent ». À suivre.
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Le vase de la discorde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°506 du 7 septembre 2018, avec le titre suivant : Le vase de la discorde