À n’en point douter, l’homme affectionne les mots. Il les chérit tant qu’il n’hésite pas à les tordre ou à les déformer, à les distendre et à les disloquer. Qui aime bien châtie bien, certes, mais pour Massin, Robert de son prénom, né en 1925 à La Bourdinière, près de Chartres (Eure-et-Loir), c’est bien plus fort que cela : la typographie est « une seconde langue maternelle ». « À défaut de créer des polices de caractères, il joue avec les lettres pour en découvrir le pouvoir jubilatoire de métamorphoses et de correspondances », écrit l’auteure, Laetitia Wolff. Et c’est clairement cette jubilation qui sourd des pages de ce livre sobrement baptisé Massin et qui a permis à ce dernier de se bâtir, en un demi-siècle, une place résolument à part dans l’édition française. Les œuvres majeures de Massin, tout à la fois typographe, graphiste, photographe et écrivain, sont ici passées en revue et illustrent son brio, de sa production pour les clubs de livres de l’après-Seconde Guerre mondiale jusqu’à la collection « Folio » lancée en 1972 par la maison Gallimard – Massin y fut directeur artistique pendant vingt ans. Les couvertures de cete série – un fond blanc sur lequel se détachent un dessin et le titre, en caractères Baskerville Old Face – restent indémodables. Autre domaine dans lequel Massin excelle : celui des interprétations typographiques d’œuvres théâtrales et musicales. Les siennes remettent radicalement en question la structure linéaire du livre. Ainsi en est-il des Mariés de la tour Eiffel, de Jean Cocteau, ou de La Cantatrice chauve, d’Eugène Ionesco, dans lequel le « corps » des lettres – leur grandeur – et la manière dont elles sont placées disent à elles seules l’intonation du propos. Mariage sublime entre l’image et le mot, dans le droit-fil de la « typographie expressive » que Massin saura tirer hors du champ publicitaire originel. Avec lui, le livre s’appréhende alors pleinement dans sa troisième dimension.
Ed. Phaidon, 2007, 216 pages, 245 ill. en couleur, 28 en noir et blanc, 69,95 euros, ISBN 978-0-7148-9991-6.
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Le typographe expressif
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°271 du 14 décembre 2007, avec le titre suivant : Le typographe expressif