Trois des dix prix attribués à des journalistes exerçant dans des conditions difficiles ont été remis au Palestinien Rami Abou Jamous.
Bayeux (Calvados). La guerre n’aura jamais été aussi présente dans l’actualité, et le nombre de journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions est particulièrement élevé. En particulier à Gaza où, selon Reporters sans frontières, plus de 130 journalistes palestiniens ont été tués par l’armée israélienne depuis le 7-Octobre, dont au moins 32 au cours de leur mission. Un an après le début du conflit, Gaza et ses habitants sont omniprésents dans le palmarès de la 31e édition du prix Bayeux des correspondants de guerre, prix présidé par Clarissa Ward, correspondante internationale en chef de CNN et seule journaliste occidentale à avoir pu pénétrer à Gaza sans escorte israélienne.
Parmi les dix prix décernés par le jury, six ont été remis à des journalistes palestiniens dont trois à Rami Abou Jamous : prix de la presse écrite et prix Ouest-France-Jean Marin pour son « Journal de Gaza » publié dans le magazine en ligne Orient XXI consacré au monde arabe ; et prix en télévision grand format pour le reportage « Gaza, fuir l’enfer » réalisé avec Fabrice Babin et Bertrand Seguier pour BMFTV. Une triple récompense inédite dans l’histoire du prix, lancé en 1994 par la Ville de Bayeux dans le cadre du 50e anniversaire du Débarquement en Normandie.
Dans une vidéo tournée sous la tente où il vit, dans le camp de réfugiés de Deir al-Balah, à Gaza, Rami Abou Jamous a remercié en français le prix Bayeux d’avoir démontré que l’on pouvait être « palestinien et journaliste ». Né en 1978, il est le fondateur de Gaza Presse, bureau qui, avant le 7-Octobre, fournissait aides et traduction aux journalistes étrangers. Depuis février 2024, il tient un journal de bord où il témoigne du quotidien et de la difficile survie des Gazouis et des siens. Obligé de quitter son appartement de Gaza-ville, il s’est réfugié dans un premier temps avec sa famille à Rafah, au sud de l’enclave, avant de fuir de nouveau en mai 2024 pour Deir al-Balah.
« Dans la bande de Gaza, le journalisme est un métier dangereux, [les journalistes] continuent pourtant à faire leur travail ; ce qui rend d’autant plus irritantes les affirmations entendues régulièrement dans des médias occidentaux, selon lesquels “il est difficile de savoir ce qu’il se passe à Gaza car les journalistes occidentaux ne peuvent pas y accéder”. Un mépris colonial exaspérant : comme si on ne pouvait pas être palestinien et journaliste. Les grandes agences internationales, l’AFP ou Reuters, sont bien présentes ici, représentées par des journalistes locaux, c’est-à-dire palestiniens ! », rappelait-il le 21 juin dernier dans son Journal. En témoignent les deux autres lauréats palestiniens du prix Bayeux : Saher Alghorra, pigiste pour Associated Press et Zuma Press, prix du jeune reporter ; Mahmud Hams, photographe de l’AFP, premier prix dans la catégorie photo, déjà récompensé en septembre du Visa d’or News ; et Mohamed Abou Safia, lauréat du prix TV grand format aux côtés de John Irvine, son collègue d’ITV News pour leur reportage « Le drapeau blanc », sur un Palestinien abattu dans la bande de Gaza alors qu’il tentait de mettre les siens à l’abri.
Dans le volet expositions du prix Bayeux, le conflit proche-oriental est également présent à travers « Israël Palestine. Le territoire au cœur du conflit », réalisé par le service infographie du Monde au fil de cartes grand format explicites sur les évolutions du territoire et ses enjeux depuis un siècle. Au Musée Mémorial de la bataille de Normandie, c’est le personnel de Médecins sans frontières à Gaza qui témoigne d’un an de guerre. Dans ce festival atypique dirigé par Amélie Viel, les expositions proposent à chaque fois un décryptage rigoureux où la partie textes, témoignages et cartes est aussi importante que la partie images, dans un souci pédagogique.
Aussi rigoureuses dans leur teneur et soignées dans leur scénographie sont les expositions « Avril 75 Phnom Penh – Saïgon » sur le travail et la vie des journalistes qui ont couvert la fin des guerres du Cambodge et du Vietnam, ou « Crimes sans châtiment. Trente ans de crimes de guerre de l’État russe » en Tchétchénie, Syrie, Géorgie et Ukraine. Les expositions de Rafael Yaghobzadeh sur dix ans de guerre au Donbass, de Sandra Calligaro sur Kaboul en Afghanistan et de Newsha Tavakolian sur l’Iran sont tout aussi saisissantes.
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Le prix Bayeux, hommage aux correspondants de guerre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°641 du 18 octobre 2024, avec le titre suivant : Le prix Bayeux, hommage aux correspondants de guerre