L’établissement parisien va envoyer 23 œuvres dans trois villes du Japon, parmi lesquelles Fukushima.
PARIS - Le Musée du Louvre va envoyer une vingtaine d’œuvres au Japon dans le cadre d’une exposition itinérante organisée du 27 avril au 17 septembre dans les villes d’Iwate, de Miyagi et Fukushima. C’est le site La Tribune de l’Art qui révélé l’information, fournissant aussi la liste de la moitié des vingt-trois œuvres qui doivent y être expédiées, parmi lesquelles figureraient Les Trois Grâces supportant l’Amour (après 1765) de François Boucher, L’Annonciation de Sassoferrato, une tapisserie des Flandres du début du XVIe siècle représentant L’Adoration des mages, une stèle égyptienne du XIIIe siècle avant ère, une miniature persane, un plat en majolique (vers 1530-1540) – soit un rassemblement hétéroclite d’œuvre sans lien les unes avec les autres… La plupart des départements du Louvre ont ainsi été mis à contribution pour cette manifestation destinée à témoigner sa solidarité à un pays frappé par une catastrophe nucléaire.
Si l’initiative est louable, on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt d’une telle exposition dépourvue du moindre contenu scientifique. Déplacer une œuvre implique déjà lui faire courir des risques ; ici, ceux-ci sont multiples : la distance est très longue, l’événement est scindé en différentes étapes, et comporte, donc, de nombreux mouvements, organisés en outre dans des régions contaminées par des particules radioactives.
Interrogé, le Musée du Louvre a préféré s’abstenir de tout commentaire. Seul Jean-Luc Martinez, directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, et commissaire de l’exposition, s’est exprimé par le biais de l’Agence France-Presse, assurant que « ni les œuvres ni les personnes du Louvre qui les accompagneront sur la base du volontariat ne seront mises en danger ». Et d’affirmer que, concernant le Musée municipal de Morioka (Iwate) et le Musée des arts de Sendai (Miyagi), les mesures de radioactivités étaient « parfaitement normales ». Quant au Musée préfectoral des arts de Fukushima, dernière étape du voyage, le taux serait de 0,06 microsievert par heure, soit un taux qui ne poserait pas de problème. Les œuvres ne seront déchargées qu’à l’intérieur du musée, a-t-il encore ajouté, et placées sous vitrine étanche.
L’exposition est financée par des mécènes japonais qui, de manière générale, se sont montrés fort généreux avec l’institution parisienne au cours de ces dernières années, participant à des opérations spectaculaires comme le réaménagement de la salle de La Joconde ou, prochainement, la rénovation de la mise en lumière de la pyramide, et des façades de la cour napoléon et de la Cour carrée. La liste des œuvres devait être présentée le lundi 16 janvier, en toute confidentialité, à la commission des prêts et dépôts du service des Musées de France, lequel devrait donner un avis favorable à l’initiative qu’elle avait déjà approuvée mi-décembre.
Le projet pose ici un certain nombre de questions, liées à la conservation, à l’heure où se multiplient les expositions « blockbuster » à des fins essentiellement économiques : quelles sont les motivations préalables à un prêt ? quelles en sont les limites ? quels motifs justifient-ils le déplacement d’une œuvre d’art ? Mais aussi, comment résister à la pression des tutelles lorsque les enjeux sont d’ordre politique ou diplomatique ?
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Le Louvre à Fukushima
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°361 du 20 janvier 2012, avec le titre suivant : Le Louvre à Fukushima