La 4e Biennale internationale de design de Saint-Étienne s’est déroulée du 6 au 14 novembre. Étudiants et designers confirmés y ont dévoilé leurs expérimentations. Tendances.
Sepuis 1998, le parc des expositions de Saint-Étienne, sinon la ville tout entière, se métamorphose tous les deux ans en un souk incommensurable à l’occasion de la « Biennale internationale de design ». La quatrième édition, qui s’est déroulée du 6 au 14 novembre, n’a pas dérogé à la règle. Pour Michel Thiollière, sénateur maire de Saint-Étienne et fervent adepte de la méthode Coué : « C’est l’édition de la maturité ! » Le visiteur lambda, lui, y aura plutôt vu une sorte de chaos pas toujours joyeux, où se côtoient, sans grande lisibilité, étudiants ou designers confirmés, écoles de design et entreprises de haute technologie, créations artisanales et produits industriels.
Une large place a cette année été offerte à l’Afrique, mais on sait déjà l’inclination originelle de la Biennale pour le fameux « axe Nord-Sud ». En revanche, l’Asie – Japon, et surtout Chine, pays vers lequel se tournent aujourd’hui les regards de maints industriels – est, curieusement, quasiment absente. Comme à leur habitude, les organisateurs se targuent d’avoir fait un état des lieux exhaustif de la création mondiale en réunissant une kyrielle de nations, quelque 82 au compteur. Mais n’ont-ils pas, une fois encore, privilégié la quantité au détriment de la qualité ? Exemple avec le stand de l’Association – libanaise – pour le design et l’architecture du Proche-Orient (Adapo) qui, sous prétexte d’être en prise avec l’actualité, a fait réfléchir des designers sur le thème « Résister à l’occupant ». Le résultat flirte avec le mauvais goût : la lampe de chevet Abou Ghraib (sic) d’Ali Hussein Badr est constituée d’un personnage dissimulé sous un sac de toile noire, les membres meurtris par des pinces électriques, et Intifada 2, de Karim Chaya, est une « chistera palestinienne » lance-pierres, conçue avec un fragment de pare-chocs de voiture. Peut-on ici parler de design ?
Pourcentage de graisses
Un tri énergique s’imposait alors. On retient notamment les beaux colliers de perles de laine de la Lituanienne Audra Juraviciene, la nouvelle gamme de couverts Cocoon (Couzon), la bouteille d’oxygène portable Ultra 02 (Design Office), les réinterprétations de la lampe à huile par la Finlandaise Sari Anttonen, ou encore, ces huit prototypes de lecteurs MP3 (Tim Thom). Côté écoles, chaque pays exhibait ses réflexions du moment. Les élèves de l’École cantonale d’art de Lausanne ont planché sur la cabane à oiseau, tandis que leurs collègues de la Technical University d’Istanbul ont revisité les fameuses « toilettes à la turque ». Pour les étudiants fraîchement diplômés, la Biennale est un lieu propice où se montrer. Gwenaëlle Thoumine (École de design de Nantes) y a exposé son travail de fin d’études, intitulé « Doulo », collection d’objets permettant d’appréhender la douleur chez l’enfant hospitalisé. Sonia Buffot (École nationale supérieure de création industrielle, à Paris) y a, elle, présenté un projet baptisé « Pollen », service ambulant de nourriture et de soins pour les personnes âgées, qui a paru intéresser la Sodexho, société française – et leader mondial – de la restauration.
L’un des projets les plus audacieux, intitulé « Repas standard : design et (sur)alimentation », était visible sur le stand des États-Unis, avec des designers s’attaquant à un problème délicat et endémique : l’obésité. Le Crave Aid, de l’agence Ideo, est une trousse d’urgence contenant des patchs « anti - fast-food » et Mirrors Table Ware, de Garth Roberts, un service de table en cuivre poli dont l’effet miroir donne l’apparence d’une plus grande quantité de nourriture. Les Sandal Scales de Scott Henderson sont des sandales avec deux senseurs intégrés sur la sangle : l’un mesure le poids, l’autre calcule le pourcentage de graisses, le tout en temps réel. Tentatives salutaires d’influer positivement sur la malbouffe.
À signaler enfin, dans les manifestations off, deux projets singuliers. Le premier, sous la houlette de l’artiste Emmanuel Louisgrand et du designer Jean-François Dingjian, surfe sur la vague de l’éco-conception. « La Ferme » est un système constructif amusant avec comme module de base la botte de paille standard. Moins naturel, mais tout aussi original, l’aménagement HLM d’Olivier Mourgue, réalisé entre 1969 et 1971 par le Mobilier national et déployé actuellement au Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne (1). Le concept est pour le moins étonnant : outre un système de paravents et d’armoires de rangements, chaque « pièce » – cuisine, salle de bains, chambre… – est logée dans un bloc autonome sur roulettes. Pour la première fois depuis 1975, cet ensemble est montré dans son intégralité. À ne pas rater donc...
(1) 2, place Louis-Comte, tél. 04 77 49 73 00. Jusqu’au 10 janvier 2005.
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Le design en ordre dispersé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : Le design en ordre dispersé