Après la numérisation des projecteurs et la 3D, les salles de cinéma ne cessent de se réinventer en multipliant les offres.
Cannes, Paris. En dehors du palmarès, on se souviendra de la 70e édition du Festival de Cannes pour la secousse déclenchée par Netflix dans l’industrie du 7e art, avec les longs-métrages Okja et The Meyerowitz Stories sélectionnés parmi les 18 films en compétition. Le géant du streaming menace de ne pas respecter la « chronologie des médias » qui veut que l’on donne la primeur d’une projection aux salles obscures et non à l’Internet. La guerre larvée entre distributeurs et exploitants éclatait au grand jour et, face à la concurrence de la VOD (vidéo à la demande), jugée parfois déloyale, les interrogations sur l’avenir et la mutation du cinéma s’ensuivaient.
Une « grande mutation »
Pourtant, une semaine avant l’ouverture du plus grand marché du film mondial, Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), se félicitait des résultats annuels : « 2016 confirme la vitalité du cinéma français dans un contexte de grande mutation. » Les entrées ont généré près de 1,4 milliard d’euros ( 4,2 % par rapport à 2015), chiffre qui maintient l’Hexagone en tant que premier marché européen. Et le défi de la « grande mutation » est déjà en marche avec les hautes technologies et les croisements des segments culturels art lyrique, arts vivants et conférences.
Longtemps marginalisé, le cinéma en réalité virtuelle (VR) s’impose comme un nouveau format. Les Oscars ont franchi un cap cette année en nommant pour la première fois un film VR dans la sélection officielle, Pear, donnant par la même occasion un sacré coup de vieux à la 3D ! À Cannes, l’espace « Next » lui était consacré avec 80 films à visionner sur écran panoramique muni d’un casque occultant (obligatoire dans le cinéma immersif).
Carne y arena, court-métrage réalisé par Alejandro González Iñarritu (The Revenant, Birdman), raconte l’histoire poignante de migrants tentant de gagner le sol américain où le spectateur se retrouve de manière sensorielle mis en abyme. Propulsé dans un monde artificiel, ses sensations olfactives, auditives ou haptiques sont décuplées, ses gestes étant captés et répercutés par une caméra.
Les acteurs historiques s’orientent massivement vers cette technologie à 360 degrés, onéreuse et complexe car elle bouleverse les règles de la narration et de la mise en scène. Si la Fnac pousse jusqu’au bout le concept VR à domicile (casque et films inclus) qui restitue artificiellement le décor et l’ambiance d’une salle de projection, rien ne remplacera les espaces haut de gamme conçus à cet effet.
MK2 Bibliothèque (Paris), qui a ouvert en 2016 le premier espace de « réalité virtuelle » et un rooftop (bar-terrasse), entend offrir « un nouveau concept de lieu de culture et de divertissement ». Le troisième réseau parisien derrière UGC et Gaumont, avec 65 salles, a investi 1,5 million d’euros dans le projet et attend 100 000 visiteurs pour 2017. Le réalisateur Zhang Yimou, par le biais de sa société SoReal, vient d’acquérir une licence MK2 films & VR pour son nouveau parc à thème à Pékin (sur 3 000 m2) consacré à cette prouesse technique. Considéré comme « le Pixar de la VR » par le magazine économique américain Forbes, Baobab Studios vient de lever 31 millions de dollars et compte HTC, Samsung ou la Twentieth Century Fox parmi ses investisseurs.
Le cinéma change de décor
Exit les bobines de 20 à 30 kg autrefois acheminées par transporteur, la numérisation des projecteurs en lieu et place des 35 mm s’est réalisée plus vite que prévu entre 2010 et 2013. Une révolution technique qui s’accompagne d’une nouvelle conception des cinémas.
Pour renouveler les lieux et créer de nouveaux défis, le CNC organise depuis 2016 le Prix de la salle innovante. Cédric Klapisch, le réalisateur de Péril Jeune, l’a remis au cinéma Carrousel de Verdun pour la transformation effectuée par le cabinet Gilbert Long Architectures d’un ancien manège militaire à chevaux du XIXe siècle. Le groupe CGR a inauguré deux salles ICE (Immersive Cinema Experience) à Clermont-Ferrand et à Torcy avec des panneaux LED qui prolongent l’image sur les murs latéraux pour renforcer la sensation d’immersion. La Villette a, elle, ouvert une salle 4DX qui permet de « ressentir » les éléments d’un film, comme le vent, avec des fauteuils dynamiques qui créent des mouvements à notre insu.
Opéras, concerts, show d’humoristes, compétitions de jeu vidéo s’invitent à leur tour dans les salles obscures. Le Metropolitan Museum of Art de New York, pionnier de la retransmission avec 3 millions de ciné-mélomanes dans le monde, rencontre un vif succès en France, aux côtés de l’Opéra de Paris. Pathé-Gaumont et UGC diffusent 25 opéras par an (pour 30 euros contre 100). À son tour, la Comédie-Française a gagné cette saison les salles obscures. Avec 213 millions d’entrées, 2016 réalise le deuxième meilleur score depuis cinquante ans ! Et si Netflix était une incitation à aller au cinéma ?
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Le cinéma en réalité virtuelle, horizon du 7e art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°481 du 9 juin 2017, avec le titre suivant : Le cinéma en réalité virtuelle, horizon du 7e art