Le Kunsthistorisches Museum de Vienne a spontanément proposé à une héritière Rothschild de lui restituer dix toiles qu’il avait conservées après la guerre. Cette initiative participe d’une volonté gouvernementale de régler la question des spoliations intervenues pendant l’occupation nazie.
VIENNE. Après la récente saisie aux États-Unis de tableaux d’Egon Schiele venus de la Fondation Leopold, à la suite d’une plainte contre X pour recel, le monde de l’art autrichien s’est plongé dans les archives pour déterminer les cas de spoliations et d’acquisitions frauduleuses d’œuvres d’art durant la période nazie. Entre 1938 et 1945, des centaines de tableaux, sculptures et objets avaient ainsi rejoint les collections des musées de Vienne ou de Salzbourg. Aujourd’hui, à plus d’un demi-siècle de distance, le ministre de la Culture Elisabeth Gehrer a demandé que ces agissements soient vérifiés et souhaité qu’ils fassent l’objet de la plus grande transparence. Ce geste n’a désormais qu’un caractère de réparation morale : les délais légaux, pour quelque recours que ce soit, sont échus dans le cas des saisies, et les transactions de l’époque, aussi scandaleuses soient-elles, ont été acceptées par les parties. Parmi les musées favorables à une clarification radicale, figure le Kunsthistorisches Museum de Vienne, qui avait fait preuve de zèle dans la coopération avec l’occupant allemand. Son directeur, Wilfried Seipel, n’a pas cherché à faire mystère du passé peu glorieux de l’institution et s’est déclaré disposé à restituer les œuvres d’art acquises par la manière forte par ses prédécesseurs : “Dans notre cas, il s’agit surtout des collections Rothschild. Après la guerre, elles ont été en grande partie restituées aux héritiers, mais à la condition que dix tableaux soient laissés au musée. Du point de vue légal, la proposition a été acceptée par les avocats des Rothschild et elle est donc toujours valable. Mais, sur le plan moral, elle est inacceptable pour nous. C’est la raison pour laquelle j’ai dit très clairement que j’étais prêt à restituer ces tableaux au dernier héritier, si le gouvernement autrichien m’en donnait l’autorisation. Une indemnisation sur les fonds de la République autrichienne destinés aux victimes du nazisme pourrait être envisagée. Mais l’important est de signifier, et tout de suite, que nous y sommes disposés”. Des négociations sont actuellement en cours avec l’héritière Rothschild : “Cette dernière a été très surprise lorsque je l’ai contactée, déclare Wilfried Siepel, et elle s’est déclarée favorablement impressionnée par notre geste”.
Clore définitivement un chapitre sombre de l’histoire
Au-delà du simple cas Rothschild, le directeur du musée viennois voit dans cette solution radicale une chance de clore définitivement un chapitre sombre de l’histoire autrichienne. “Nous devons réussir à y mettre un terme pour éviter de faire retomber ce poids accablant sur la prochaine génération de directeurs de musées. Comme tous les autres musées fédéraux, nous avons reçu l’ordre du ministère de nommer un collaborateur afin de vérifier toutes les tractations passées, et nous l’avons fait aussitôt. Bien que les recherches ne soient pas aisées, car les archives à consulter sont très diverses et éparses, nous espérons avoir un tableau complet de la situation d’ici l’été.”
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L’Autriche solde les comptes du nazisme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : L’Autriche solde les comptes du nazisme