L’année 2010 a confirmé la montée en puissance de l’Asie et la consolidation de son fleuron, Hongkong. L’ancienne concession britannique occupe la troisième place du marché de l’art mondial.
Hongkong peut bomber le torse. Entre 2006 et 2010, les chiffres d’affaires de Christie’s et Sotheby’s dans la ville ont progressé respectivement de 98,3 % et 171,5 %. Un bond vertigineux qui a fait de l’ancienne concession britannique la troisième place du marché de l’art dans le monde, après New York et Londres. « L’émergence de Hongkong comme carrefour du marché de l’art pour l’ensemble de l’Asie s’est cristallisée il y a deux ans et demi, lorsque les maisons de ventes coréennes Seoul Auction et K-Auction, la taïwanaise Ravenel et l’indonésienne Larasati ont décidé de taper du marteau à Hongkong et y ont amené leurs clients », constate Jean-Marc Decrop, spécialiste de la région.
La montée en puissance de Hongkong ne doit pas masquer l’envolée des machines de guerre pékinoises, les maisons de ventes Poly Auction et China Guardian Auctions, qui ont généré respectivement 1,3 milliard de dollars (env. 1 milliard d’euros) et 930 millions de dollars (720 millions d’euros) en 2010. Celles-ci figurent parmi les dix premières maisons de ventes mondiales. « La taille du marché chinois [Chine continentale et Hongkong] a connu une progression fulgurante de 30 % par an. Dans aucun pays au monde, Sotheby’s et Christie’s ne sont dépassés par des acteurs locaux », admet François Curiel, président de Christie’s Asie. De fait, l’auctioneer compte renforcer son partenariat avec la société de ventes pékinoise Forever, en montrant les previews des ventes de Pékin à Hongkong.
La Chine continentale pâtit néanmoins d’une taxe à l’importation de 34 % sur les œuvres d’art. Mais l’appétit des acheteurs n’en reste pas moins vivace, puisque ces derniers interviennent de plus en plus dans les ventes internationales. En 2005, ils représentaient 6 % des acheteurs dans les ventes de Sotheby’s à Hongkong. Lors des ventes de l’automne dernier, leur participation s’est élevée à 38 %. Le potentiel asiatique est tel que Christie’s envisage de publier des catalogues spécifiquement en chinois, ou bilingue pour quelques grands départements internationaux comme les bijoux ou l’art moderne et contemporain. En 2010, la maison a aussi recruté une vingtaine d’employés sinophones pour ses différents bureaux et compte en engager une dizaine supplémentaire cette année. Elle envisage aussi de promouvoir ses ventes Art déco du XXe siècle par le biais de previews à Hongkong. Une décision ad hoc puisque les acheteurs chinois sont de plus en plus actifs dans les ventes Art déco de Sotheby’s.
La foire Art HK plébiscitée
Cette dernière a organisé, pour la première fois en novembre dernier à Hongkong, une exposition-vente de gré à gré d’art impressionniste et moderne, l’un des champs privilégiés des Asiatiques. C’est en effet un Chinois qui a acheté, pour 496 011 euros, un portrait de femme de Modigliani chez Christie’s à Londres en juin dernier. Un autre de ses compatriotes s’est saisi d’une toile de Wayne Thiebaud pour 842 500 dollars (615 000 euros), en mars 2010. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la foire d’art contemporain Art HK ait pris un essor vertigineux en à peine trois ans, ralliant des poids lourds internationaux comme les New-Yorkais Zwirner ou Gagosian. Le salon doublera de volume au printemps, avec près de 190 exposants (du 26 au 29 mai).
N’est-il pas prématuré d’augmenter aussi vite la voilure, alors que l’intérêt des Asiatiques pour l’art contemporain occidental n’en est qu’à ses balbutiements ? « Le marché se développe très bien en Asie. Les galeries comprennent que nous sommes aux prémices d’un mouvement, mais c’est une question d’engagement. Construire de la confiance prend du temps, affirme Magnus Renfrew, directeur d’Art HK. S’il y a trois ans, s’engager en Asie semblait aventureux, maintenant c’est presque normal de le faire. » Certains marchands poussent même l’engagement plus loin. Le Français Édouard Malingue a ouvert sa galerie en septembre dernier, avec une exposition d’œuvres de Picasso, tandis que Larry Gagosian a inauguré une succursale le 15 janvier. « Cela a vraiment un sens d’avoir une galerie à Hongkong, car je suis plus accessible pour les Chinois du continent qui ne collectionnent pas encore et sont intimidés par Christie’s et Sotheby’s », confie Édouard Malingue. Pour l’heure, le marchand français a vendu un Zao Wou-Ki à un Taïwanais et un Chu Teh-Chun à un Chinois de Hongkong. Le glissement vers l’art non-asiatique prendra du temps…
Singapour en embuscade
Si Hongkong se situe aux confluences de l’Asie du Nord et du Sud-Est, d’autres tigres liment leurs griffes sur le plan local. C’est le cas de la Corée, où les galeries sont extrêmement puissantes et protectionnistes. Mais le pays n’est pas encore prêt pour un essor de ses ventes publiques. « Je n’imagine pas Séoul en centre de ventes aux enchères, estime François Curiel. On assiste plus à une consolidation des anciens centres de ventes qu’à l’ouverture de nouvelles places. » Si Singapour fait encore office de nain, l’île-cité bénéficie d’atouts majeurs. Tout d’abord son port franc luxueux où Christie’s a déjà loué 6 000 mètres carrés de stockage, soit 40 % de sa surface actuelle. La proximité de l’Indonésie, qui compte des collectionneurs en nombre, n’est pas non plus négligeable. Vu la taille du continent asiatique, il y a sans doute de la place pour plus d’un centre dynamique.
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L’Asie talonne l’Occident
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : L’Asie talonne l’Occident