À l’approche du débat parlementaire, la réforme du réseau culturel à l’étranger suscite l’inquiétude des députés
PARIS - « Y a-t-il encore une francophonie désirée ou est-ce devenu un gros mot ? », s’est interrogé sans ambages Hervé Féron, rapporteur de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, lors d’une table ronde consacrée à l’action culturelle extérieure qui s’est tenue le 20 janvier.
Alors que le sujet est ressassé depuis une quinzaine d’années, la teneur du nouveau projet de loi du gouvernement, qui sera prochainement débattu au Sénat, commence en effet à susciter l’inquiétude des députés. Y compris au sein de la commission des affaires étrangères, qui a publié le 12 janvier un rapport d’étape dénonçant les « atermoiements » de cette réforme. Très aride, le projet de loi rédigé par les services du Quai d’Orsay se contente en effet de prévoir la création de deux établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) : l’un dédié à l’expertise et à la mobilité internationales ; l’autre, à l’action culturelle extérieure. Un contenu bien maigre eu égard à l’ambition affichée à son arrivée par le ministre Bernard Kouchner.
Devant les députés de la commission des affaires culturelles, Delphine Borione, directrice de la politique culturelle et du français au ministère des Affaires étrangères et européennes, s’est pourtant attachée à rappeler son contenu : recentrage sur le pilotage, unification du réseau, renforcement de la formation des agents, partenariats avec les établissements publics culturels… Intentions louables mais absentes du texte actuel. Olivier Poivre d’Arvor, directeur de CulturesFrance, également interrogé par les parlementaires, n’a pas caché son pessimisme. « Nous avons baissé les bras », a déploré ce dernier, qui a tenu à mettre en garde les députés sur la nécessité d’aller au-delà de cette simple loi. « On crée un porte-avions, mais si on ne met pas d’avions dessus ce sera le Titanic. » Et de poursuivre : « Dans ce cas, une éradication de notre présence est envisageable en 2015. »
Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, ne s’est pas montré plus optimiste. « Les problèmes du réseau ont peu à voir avec son organisation. Le problème est ailleurs : dans l’effondrement de ses moyens. » En cinq ans, 50 % des crédits ont en effet été supprimés. « Quelle autre organisation publique ou privée aurait résisté à une si violente hémorragie ? », s’est interrogé Jean-Claude Jacq.
Institut unique
Si la réforme du réseau est complexe du fait de son hétérogénéité, entre instituts directement rattachés au ministère et associations de droit local, elle ne semble pas pour autant impossible à mettre en œuvre. « Si on veut absolument un réseau unique, il faut opter pour le réseau de l’Alliance française, qui bénéficie d’une forte notoriété et s’autofinance à 75 % », a plaidé Jean-Claude Jacq. Appuyées largement sur des structures associatives de droit local, les alliances ne sont pas solubles dans un système de tutelle directe émanant du Quai d’Orsay. Or celui-ci craint de perdre le contrôle, inquiétude relayée par les ambassadeurs, hostiles à l’idée d’être déconnectés de l’action culturelle, alors que la question d’une professionnalisation accrue des personnels est à l’étude.
« La seule solution est de rebattre les cartes et d’avoir un institut unique », a confirmé Olivier Poivre d’Arvor. Cette décision a pourtant été repoussée par Bernard Kouchner. « Aux annonces du printemps ont succédé le report de la mi-juillet puis le "sursis à décider" de la fin octobre », notent les députés de la commission des affaires étrangères. Le temps de laisser encore le réseau se déliter, inexorablement.
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La réforme du réseau culturel français à l’étranger
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°318 du 5 février 2010, avec le titre suivant : La réforme du réseau culturel français à l’étranger