Justice

La galerie Phoenix Ancient Art poursuit le Getty

Par Nathalie Eggs · lejournaldesarts.fr

Le 19 janvier 2017 - 573 mots

NEW YORK (ETATS-UNIS) [19.01.17] – La galerie d’antiquité suisse réclame 77 millions de dollars au Getty pour violation d’un contrat relatif à la collection italienne Torlonia. Elle s’estime court-circuitée dans la cession de la collection à l’Italie.

La galerie Phoenix Ancient Art, basée à Genève et à New York, a intenté le 12 janvier 2017 un procès devant les tribunaux new-yorkais contre le J. Paul Getty Trust, le J. Paul Getty Museum, Timothy Potts (le directeur du musée depuis 2012), Livio Russo et Arturo Russo. La famille italienne Torlonia est au cœur de l’affaire mais n’est pas partie prenante.

Les frères Aboutaam, propriétaires de Phoenix Ancient Art S.A, invoquent comme moyens notamment l’appropriation illicite, la fraude et la violation d’un contrat et demandent 77 millions de dollars de dommages et intérêts au Getty de Los Angeles. En 2013, par l’intermédiaire de l’agent Electrum, ils avaient proposé au Getty de se porter acquéreur de la collection d’antiquités de la famille Torlonia, commencée par Giovanni Torlonia au début des années 1800 et composée de quelque 620 sculptures gréco-romaines. Dans la plainte, ils valorisent cette transaction dans une fourchette comprise entre 350 et 550 millions de dollars.

Hitcham et Ali Aboutaam estiment avoir fourni au Getty un travail solide sur plusieurs années, en leur faisant bénéficier d’un jugement professionnel et de connaissances accrues des antiquités. Selon la galerie, le Getty aurait accepté en 2013 un « accord de non contournement » qui engageait le Getty à ne pas contacter la famille Torlonia sans l’intermédiaire de Phoenix Ancien Art S.A. Or, refusant la proposition d’acquisition, le Getty aurait soudainement commencé à travailler sans la galerie Phoenix Ancien Art pour assurer le transfert de la collection Torlonia… au gouvernement italien. En mars 2016, Phoenix Ancient Art aurait appris, via The New York Times, que le ministre de la Culture italien a sellé un accord pour accueillir la collection Torlonia à Rome. Salvatore Settis, un ancien conservateur du Getty, est qui plus est choisi comme commissaire de l’exposition inaugurale.

Pour la galerie Phoenix Ancient Art, « en coupant court aux négociations […] le Getty a volé la valeur équivalente à des années de travail et de bons et loyaux services […] et viole ainsi ses obligations légales et contractuelles ».

Deux éléments rendent cependant la recevabilité de cette demande difficilement appréciable. D’abord, aucun contrat ne figure parmi les documents produits en justice. Tout au plus, Timothy Potts et Salvatore Settis, ont-ils discuté de « la possibilité d’exposer quelques-unes de ces merveilleuses œuvres d’art au Getty ». Ensuite, le Getty estime ne pas avoir court-circuité Phoenix Ancient Art puisqu’il ne s’est tout simplement pas porté acquéreur de la collection Torlonia.

Pour Ron Hartwig, vice-président de la communication au J. Paul Getty Trust, ces poursuites sont infondées. Dans un e-mail adressé à artnet, il explique : « […] Le Getty a refusé l’acquisition [des objets de la collection Torlonia] et les objets ont été transférés au gouvernement italien. Nous ne comprenons pas comment le transfert de propriété d’une famille italienne au gouvernement italien, qui exposera la collection dans ses nombreux musées exceptionnels, est la cause d’un procès contre le Getty. Les demandeurs ne peuvent pas plausiblement demander le paiement d’un accord qui n’a jamais été passé ».

La galerie Phoenix Ancient Art accuse le Getty d’avoir interféré dans ce transfert, les privant des bénéfices de leur travail et des droits qui leurs étaient dus dans le cadre de l'exécution de l’accord.

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Ulysse se cachant sous un bélier pour s'échapper de la caverne du cyclope Polyphème © photo Fondation Torlonia

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