Le couple américain Marlene et Spencer Hays a donné, sous réserve d’usufruit, une partie de sa collection au Musée d’Orsay. La valeur de cette première donation est estimée 173 millions d’euros. Elle sera exposée dans les espaces actuellement dévolus à la bibliothèque interne du musée, qui déménagera dans des locaux proches appartenant à la Documentation française.
PARIS - « C’est un jour très important. Important pour votre famille, important pour la France, important pour la culture ». Le président de la République François Hollande a salué en ces termes samedi 22 octobre la donation par Marlene et Spencer Hays de 187 œuvres au Musée d’Orsay (estimées à 173 millions d’euros), prémices d’une future donation de la totalité de leur collection, soit plus de 600 œuvres. C’est la plus grande donation par un collectionneur étranger depuis l’après-guerre.
L’annonce n’a pas surpris les initiés (lire JdA n° 465) tant elle était attendue. Depuis 2013 et l’exposition du cœur de cette collection américaine au Musée d’Orsay intitulée « Une passion française », les négociations étaient ouvertes avec l’institution parisienne. La signature de la donation à l’Élysée le 22 octobre est donc l’aboutissement de plusieurs années de réflexions et de plusieurs mois de discussions. Pourquoi la France et pourquoi Orsay ? À ces questions, deux réponses.
Le président du Musée d’Orsay, Guy Cogeval, a été la cheville ouvrière de cette donation. La rencontre du conservateur avec le couple américain date de 2001. « À l’époque je préparais pour le Musée des beaux-arts de Montréal une exposition sur Vuillard, tout en terminant le catalogue raisonné du peintre », se souvient Guy Cogeval. Une relation se noue et se poursuit lorsque celui-ci est nommé président du Musée d’Orsay en 2008. « Vous n’imaginez pas toutes les négociations qu’il y a eues, tous les coups de fil et même les petites disputes, avant de pouvoir aboutir à cette donation », confiait-il la veille de la donation. Pour les Hays aussi, une vraie relation d’amitié s’est forgée depuis, comme ils le confiaient dans le catalogue de l’exposition de 2013.
Surtout, l’État français a pris conscience de l’importance de cette collection, en acceptant la plupart des conditions de cette donation. « Ce qui les a décidés, c’est l’écrin du Musée d’Orsay et le fait que la collection sera présentée de manière cohérente au sein du musée », explique-t-on au ministère de la Culture. Il faudra faire de la place pour les 187 premières œuvres dans les années à venir, la donation, sous réserve d’usufruit, n’étant destinée à rejoindre le musée qu’au décès des deux mécènes. La bibliothèque et la documentation du musée déménageront dans un hôtel particulier situé sur le quai Voltaire (lire encadré), pour dégager près de 900 m2 au quatrième étage de l’institution. « J’ai réussi à obtenir que la collection soit “prêtable” », précise avec une satisfaction légitime le directeur.
L’inaliénabilité des collections publiques en France a aussi joué dans le choix des Hays, convaincus par le caractère perpétuel de leur donation, assurant la non-dispersion des œuvres.
Une collection d’autodidactes passionnés
Et celle-ci, au-delà de sa valeur estimée, 173 millions d’euros, est de tout premier ordre. Ayant fait fortune dans le commerce du textile, Marlène et Spencer Hayes sont l’incarnation de la sucess story à l’américaine. Ils ont débuté leur collection au début des années 1970, en autodidactes et passionnés, découvrant les Nabis et les symbolistes dans les années 1980. « Au départ, nous achetions juste les œuvres qui nous plaisaient. Des amis nous ont suggéré de prendre un conseiller, mais nous avons préféré ne pas le faire. Nous [avons commis] sans doute quelques erreurs, mais nous [n’avons acheté] que les pièces que [nous aimions] », racontait Spencer Hays en 2013. Et ils semblent s’être très peu trompés dans leurs choix.
La donation faite à Orsay comprend cent deux peintures et pastels, soixante-trois œuvres graphiques, quinze sculptures et sept objets d’arts. On trouve vingt-trois peintures et pastels de Vuillard, dont un panneau des « Jardins Publics », intitulé Les Premiers Pas (1894), viendra retrouver les cinq panneaux sur neuf déjà conservés à Orsay. Fillettes se promenant (vers 1891), une toile d’exception acquise par le couple en 2008 pour près de 8 millions de dollars, fait également partie de la donation.
De Bonnard, douze peintures, dont un paravent japonisant longtemps démembré que les Hays ont acquis reconstitué. Maurice Denis est représenté par quatre peintures dont un grand dyptique Le Printemps et l’Automne, deux Odilon Redon dont La Fleur rouge (vers 1905), étonnante et audacieuse dans sa composition. Caillebotte, Degas, Fantin-Latour, Tissot, Matisse et Modigliani, la liste est longue dans cette première donation.
Celle-ci étant faite sous réserve d’usufruit, les œuvres vont rester dans les différentes demeures des Hays entre le Texas, New York et Paris. Mais la collection de Marlene et Spencer Hays continue de s’agrandir au fil du temps. Pour leur 60e anniversaire de mariage, Marlene et Spencer se sont offert respectivement un Matisse et un Modigliani, qu’ils garderont auprès d’eux jusqu’à leur mort.
Avant de pouvoir découvrir leurs œuvres à Orsay, les visiteurs pourront voir dès le 22 novembre une autre grande donation, celle de Jean-Pierre Marcie-Rivière. Annoncée en 2011, cette donation sous réserve d’usufruit de 140 œuvres de Bonnard et Vuillard a été rendue publique en janvier de cette année. Sous Guy Cogeval, les Nabis auront pris une place de choix à Orsay.
Pour offrir à la collection Marlene et Spencer Hays l’espace suffisant dans l’enceinte du bâtiment – l’une des principales conditions à cette donation historique ”‘, le Musée d’Orsay a décidé de déménager la bibliothèque et la documentation interne du musée dans un hôtel particulier situé quai Voltaire à 400 mètres d’Orsay. L’hôtel Mailly-Nesle d’une superficie de près de 2 500 m2, actuellement occupé par les services de la Documentation française, a été en partie vendu par les services du Premier ministre au Musée d’Orsay. Dans cet édifice datant du XVIIe siècle, Guy Cogeval compte installer un futur centre d’études sur les Nabis, « à l’horizon 2020 » précise-t-on à Orsay. La Documentation française devrait quitter les lieux d’ici la fin de l’année, et des travaux de réaménagement commencer dès 2017. « Je suis le premier directeur d’Orsay à agrandir le musée depuis son inauguration ! », s’est réjoui Guy Cogeval.
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La fabuleuse donation Hays au Musée d’Orsay
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : La fabuleuse donation Hays au Musée d’Orsay