La mise au jour de la grotte de la Combe d’Arc, ou grotte Chauvet (du nom de son principal inventeur), dans la vallée de l’Ardèche, près de Vallon-Pont-d’Arc, vient enrichir le patrimoine mondial d’un vaste réseau préhistorique souterrain, orné d’un très grand nombre de peintures et de gravures du paléolithique supérieur, qui daterait d’il y a 18 000 à 20 000 ans.
PARIS - La région de Vallon-Pont-d’Arc est connue des archéologues. Son relief karstique, truffé de rivières souterraines et de grottes, a abrité l’homme des millénaires durant. De ce fait, la région Rhône-Alpes est l’une des quatre régions françaises (avec les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Aquitaine et Midi-Pyrénées) où un agent du Service régional de l’archéologie est chargé de la protection et de la prospection des grottes ornées.
Chance inouïe pour la communauté scientifique et artistique, Jean-Marie Chauvet, le principal inventeur de la grotte, est précisément cet homme de l’art. En ne se précipitant pas vers les peintures rupestres et en ne marchant pas sur le sol argileux mais, au contraire, en "jalonnant le sol de feuilles de plastique et en veillant à ne marcher que sur les planchers stalagmitiques sans intérêt archéologique", Jean-Marie Chauvet et ses deux compagnons, Eliette Brunel-Deschamps et Christian Hillaire, ont su préserver l’intégrité de leur découverte.
C’est au cours de l’exploration, le 18 décembre, d’une cavité s’ouvrant dans les falaises du cirque d’Estre que Jean-Marie Chauvet est intrigué par un courant d’air traversant les éboulis obstruant la galerie. Les trois spéléologues décident de revenir : "Après avoir dégagé l’entrée, nous avons rampé jusqu’à un puits surplombant une vaste salle souterraine, raconte Jean-Marie Chauvet.
L’impression de bonheur que nous avons ressenti en y pénétrant pour la première fois est indescriptible. Je crois que c’est un sentiment qu’on n’éprouve qu’une fois dans une vie." La découverte des premières peintures a eu lieu dans la nuit du 24 au 25 décembre… un cadeau de Noël inattendu.
Un bestiaire original et varié
Composée de nombreuses galeries qui joignent plusieurs salles de vastes dimensions – jusqu’à 70 x 40 mètres –, la grotte est restée vierge de toute pollution humaine depuis son abandon, il y a environ 18 000 ans, selon une datation qui devra être définie plus précisément. Recelant de nombreux restes paléontologiques (les ossements d’une centaine d’ours des cavernes dans leurs bauges d’hibernation) et de nombreuses traces de l’activité humaine (des foyers, des silex taillés, des traces de torches d’éclairage, des empreintes de cheminement…), la grotte est décorée d’environ trois cents peintures animalières à l’ocre rouge ou au noir, jamais les deux couleurs ensemble, et d’au moins autant de gravures.
Un bestiaire original et particulièrement varié, accompagné de signes symboliques, de panneaux constellés de mystérieux points rouges et de mains, positives et négatives.
Les représentations animales privilégient l’ours et le rhinocéros laineux, suivis du cheval, du mammouth, des félins – lions et panthères –, du renne, du bison, de l’aurochs, du cerf mégacéros, du bouquetin, du hibou et de quelques animaux indéterminés. Par le nombre et la diversité des œuvres, par leur qualité esthétique et leur parfait état de conservation, par leur originalité et la prédominance d’espèces rarement représentées ailleurs, ainsi que par la préservation du contexte, la grotte Chauvet se place d’emblée au même rang que l’ensemble figuré de Lascaux.
Mais tenter de comparer les deux reviendrait à mettre en concurrence "un tableau de Léonard de Vinci et une œuvre de Van Gogh", selon le spécialiste de l’art pariétal paléolithique qui a authentifié le site, Jean Clottes, conservateur général du patrimoine au ministère de la Culture.
Une découverte à laquelle le public n’accédera que par l’intermédiaire du livre, du film, de la photographie et du multimédia, la décision d’en interdire l’accès, pour des raisons évidentes de préservation, étant d’ores et déjà prise par les pouvoirs publics. Une télésurveillance du site a été mise en place avant l’annonce officielle de la découverte, et une instance de classement, prise par Jacques Toubon, avant la procédure définitive, confère à la grotte les effets du classement au titre des Monuments historiques pour une durée d’un an.
Le ministre de la Culture et de la Francophonie envisage en outre les modalités d’une éventuelle acquisition du site, dont l’étude devrait améliorer non seulement la connaissance de l’art pariétal mais également celle des modes de vie et de pensée de l’homme préhistorique. Si l’on sait que ceux-ci n’habitaient pas les grottes ornées et qu’ils ne décoraient pas leurs lieux d’habitation, on ignore en revanche la signification rituelle de l’art pariétal et à quels cultes étaient dédiées ces grottes ornées. À ce sujet, la découverte dans la grotte Chauvet d’un crâne d’ours posé sur ce qui pourrait être un "autel" ouvre la voie à de nouvelles perspectives.
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La découverte d’un "sanctuaire" du paléolithique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : La découverte d’un "sanctuaire" du paléolithique