La Déclaration universelle des musées n’a pas fini de faire jaser. Aujourd’hui signé par plus d’une trentaine de directeurs des institutions les plus importantes du monde – dont le British Museum (Londres), le Metropolitan Museum of Art (New York), le Musée du Louvre (Paris), le Musée de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg), les musées d’État de Berlin et le Rijksmuseum (Amsterdam) –, ce manifeste dispose que les \"objets acquis à une époque antérieure doivent être considérés avec la sensibilité et les valeurs de cette période\" (lire \"Le manifeste des musées\" dans le JdA
no 161, 20 décembre 2002). Faisant fi des demandes de restitution, ces dirigeants s’appuient sur le concept de \"musée universel\", où la culture du monde est accessible à tous. L’Afromet, association luttant pour le retour des trésors du patrimoine en Éthiopie, de laquelle nous avions déjà publié les revendications (lire le JdA no 162, 10 janvier 2003), a ouvert le bal des réactions au manifeste dont nous proposons un tour d’horizon.
Londres - Le Conseil international des musées (Icom) a émis des réserves à propos de quelques passages du manifeste. “Le rapatriement d’objets est un sujet qui doit être traité avec moult précautions. Un jugement sage et réfléchi est nécessaire. Les jugements ou déclarations inutilement fracassantes sont à éviter.” À propos des demandes de restitution, le Conseil cite son principe de déontologie : “Les musées devraient être préparés à instaurer le dialogue dans une ouverture d’esprit fondée sur des valeurs scientifiques et professionnelles.”
Conscient que la demande faite par son pays du retour des marbres du Parthénon est à l’origine de ce manifeste, le ministre grec de la culture Évangelos Vénizelos a pour sa part réagi très vivement : “Notre demande du retour des marbres n’est liée à aucune autre revendication de restitution de biens culturels... Les marbres du Parthénon font partie d’un monument existant. Ce monument est préservé et restauré de manière constante, tandis que le Musée de l’Acropole (lire aussi p. 12) sert un site archéologique spécifique.”
Le comité britannique en faveur du retour des marbres du Parthénon s’est fait l’écho de cette objection : “Une ‘déclaration’ aussi unilatérale et irrévocable n’est pas recevable dans le monde moderne... Si une décision de ce type doit être prise, elle doit être le résultat de discussions entre les représentants de gouvernements et des autres organes extérieurs au petit cercle des musées responsables de cette ‘déclaration.’”
De même l’association britannique des musées se montre-t-elle très critique à l’égard de cette déclaration. Le directeur adjoint Maurice Davies la qualifie “d’approche des relations internationales à la George Bush... C’est un manifeste grossier qui discrédite la réflexion tout en subtilité à laquelle de nombreux musées s’emploient.” L’association des musées d’Australie désapprouve tout autant l’initiative : “Il existe des manières plus positives de traiter les revendications liées aux biens culturels, sous des formes qui peuvent établir des relations entre les musées et les communautés.”
Réagissant sur le fond même du débat, l’organe d’observation de l’héritage culturel (Cultural Heritage Watch) basé à Pékin a déclaré avec moins de ménagement : “Les directeurs des musées européens et américains vont trop loin ! Ils sont impolis et iniques... Si des objets ont été acquis dans des circonstances coloniales, d’invasion, de guerre ou de simple injustice, les musées peuvent-ils dire qu’ils servent chaque nation ? Ces acquisitions restent illégales, qu’elles aient eu lieu il y a des décennies ou des siècles.”
Quant à Ton Cremers, responsable du site Internet Museum Security Network (réseau de sécurité des musées), s’il ne s’exprime jamais sur les articles qu’il met en ligne, il a longuement commenté ce manifeste : “Le point de vue de ces directeurs au sujet du retour des marbres du Parthénon vient à l’encontre de l’éthique de l’Icom, et il est de plus extrêmement antidémocratique.” Il fustige certains passages de la déclaration en la qualifiant de “colonialisme culturel flagrant”, soutenant “qu’il y a même des exemples récents de commerce illicite, auquel certains musées participent.”
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La Déclaration universelle des musées fait réagir
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°166 du 7 mars 2003, avec le titre suivant : La Déclaration universelle des musées fait réagir