Né en 1952, Jean Paul Gaultier signe la première collection portant son nom en 1976. Très vite, sa griffe s’étend bien au-delà du monde de la mode. En 1985, il collabore au Défilé de Régine Chopinot et, en 1990, réalise les costumes de scènes de Madonna. Au cinéma, il a travaillé avec Pedro Almodovar (Kika, 1993), Caro & Jeunet (La Cité des enfants perdus, 1995), Luc Besson (Le Cinquième Élément, 1997)… Invité par la Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris, il propose avec « Pain Couture » (1), notamment, une mise en scène de vêtements éphémères où la pâte à pain remplace le taffetas et la mousseline. Il commente l’actualité.
Quelles sont les idées qui ont présidé à votre exposition « Pain Couture » à la Fondation Cartier ?
Quand la Fondation Cartier m’a proposé ce projet d’exposition, je ne savais pas ce que je voulais y faire, mais je savais très bien que je ne voulais pas y présenter mon travail de créateur de mode. Je considère que ce n’est pas à moi de le faire, j’ai donc cherché une autre idée ; un ami, Souhed Nemlaghi, m’a suggéré l’idée du pain et de la transformation de la Fondation Cartier en boulangerie. Ce qui est logique par rapport à mon regard sur mon métier et sur la mode en général. En effet, la mode n’est pas de l’art et je ne suis pas un artiste, mais plutôt un artisan. Les boulangers sont aussi des artisans, et je trouvais très intéressant de faire le parallèle entre ces deux mondes et de remettre la mode à son niveau, c’est-à-dire celui de l’artisanat. Mais, bien sûr, cette boulangerie se devait d’être stylisée, le personnel est en couture et, à l’intérieur, j’ai continué de travailler comme un couturier, seule la matière diffère.
Couture et défilé bien sûr, mais aussi exposition aujourd’hui, et, auparavant, intervention dans le domaine du cinéma ou de la musique. Vous avez inscrit votre démarche dans une ouverture à d’autres champs. Que représentent l’interdisciplinarité et le décloisonnement des pratiques pour vous ?
Le fait d’avoir travaillé avec d’autres univers est plus le produit de rencontres qu’une volonté personnelle. En effet, ce sont des artistes : musiciens, chanteurs, metteurs en scène, producteurs et chorégraphes qui m’ont approché parce que je crois qu’il y avait des points communs entre leur univers et le mien. Ces rencontres ont été très enrichissantes sur un plan personnel, je pense que notre manière de ressentir les choses est commune ; en aucun cas il ne s’agissait d’opportunisme. Le cinéma, la danse et la musique m’ont beaucoup influencé et, comme par hasard, ce sont souvent mes inspirateurs avec qui j’ai eu le plaisir de travailler par la suite.
Dans le domaine plus précis des arts plastiques, quels sont les créateurs qui ont une importance pour vous ?
J’aime beaucoup le travail de Gilbert & George, Pierre & Gilles et Richard Lindner.
Yves Saint Laurent vient d’ouvrir une fondation et de nombreux musées en France comme à l’étranger s’intéressent à la mode. En tant que créateur, vous posez-vous la question de l’avenir patrimonial de votre travail, de sa place comme de sa présentation dans des collections publiques ou privées ?
Les musées ne sont pas ma tasse de thé, je ne vais pas voir des expositions en quête d’inspiration, disons plutôt que, si je travaille sur un sujet en particulier et qu’une exposition le traite, je vais aller la voir. Les expositions de mode dans les musées sont tristes, je trouve que les vêtements sont faits pour être portés par des êtres vivants, le mouvement est capital dans mon travail. La valeur patrimoniale de mon travail ne m’intéresse pas, je préfère garder des pièces que je considère abouties sur un plan technique. Je ne pense pas que ce soit mon rôle de consacrer mon travail, je le fais. Après, si d’autres le trouvent intéressant au sens historique, tant mieux, mais ce n’est pas une obsession.
Quelles expositions ont attiré votre attention récemment ?
J’avais beaucoup aimé une exposition montée par Linda Loppa (2), mettant en relief les inspirations des créateurs d’aujourd’hui.
(1) « Pain Couture by Jean Paul Gaultier », jusqu’au 10 octobre.
(2) directrice du Musée de la mode à Anvers.
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Jean Paul Gaultier, styliste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°195 du 11 juin 2004, avec le titre suivant : Jean Paul Gaultier, styliste