Images d’Europe

À Paris, la 15e édition du Mois de la Photo, élargi à des œuvres vidéo, s’organise autour de la thématique « La photographie européenne, entre tradition et mutation ». Ce vaste intitulé rappelle que cette biennale fonctionne depuis 2004 en réseau avec d’autres capitales européennes. Cette année, une large place est faite aux mouvements historiques dans les musées : au Centre Pompidou l’exposition « Expérimentations photographiques en Europe des années 1920 à nos jours » s’articule en quatre chapitres allant d’une esthétique du corporel au principe fécond du montage. « Objectivités, la photographie à Düsseldorf » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris prend la forme d’un parcours didactique. Le premier décrypte les fondements de l’école dite « des Becher ». Outre la série originale en petits formats des fameux portraits d’identité de Thomas Struth, les recherches d’élèves moins en vue – Ursula Schulz-Dornburg, Katharina Sieverding – retiennent l’attention.
La thématique européenne porte également le regard sur les échanges extérieurs qu’illustrent « L’héritage du Bauhaus à Chicago » de Nathan Lerner au Musée d’art et d’histoire du judaïsme ou l’incontournable exposition « Photographier l’Amérique 1929-1947 » montrant en parallèle les points de vue de Walker Evans et Henri Cartier-Bresson sur l’Amérique de l’époque, à la Fondation Henri Cartier-Bresson qui célèbre le centenaire de la naissance de son fondateur. À l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Val-de-Seine, « Recollections », une série d’images inédites réalisées en Grande-Bretagne par Philip Jones Griffiths, rend hommage au chef de file disparu des photographes de guerre au Vietnam.
Le programme foisonnant où il est question de territoires urbains, d’architecture, d’immigration, de photo de mode, de la foi, de pollution nucléaire et des traumatismes de la guerre aux confins de l’Union Européenne, manque de lisibilité tout en piquant la curiosité. Ainsi, la Maison du Danemark fait-elle découvrir soixante photomontages satiriques du Danois Marinus Jacob épinglant les dictateurs européens qui firent la couverture de l’hebdomadaire antifasciste français Marianne de 1932 à 1940. La MEP présente « An expérience of amusing chemistry : Photographs 1990-1890 », une rétrospective originale des œuvres de MacDermott & MacCough qui s’approprient des objets de l’époque victorienne tout en empruntant des procédés photographiques anciens. Le sujet européen est encore exploré à travers « Les parcours de la mémoire », un somptueux voyage de l’Italien Mimmo Jodice qui embrasse les sites antiques aux origines du mythe de l’Europe (Galerie Karsten Greve). « L’Espagne prémonitoire », une série de tirages d’époque des années 1930, montre les prémices de l’œuvre du photographe ethnologue Pierre Verger (Galerie Serge Aboukrat). Le Jeu de Paume accueille Lee Miller. Les basculements d’époque se lisent dans les « Images d’après-guerre » méconnues de Werner Bischof que fait ressurgir l’éditeur Robert Delpire (Galerie Fait et Cause) en opposition avec les « Paysages exfiltrés », la première exposition personnelle de Guillaume Lemarchal, lauréat 2008 du Prix HSBC, qui renouvelle la photographie « de paysage » dans des images hivernales des pays de l’Est d’une glaçante étrangeté (galerie Michèle Chomette). Un riche voyage européen