À l’origine du mouvement de Figuration narrative, l’artiste né en Haïti est mort le 10 novembre à l’âge de 85 ans.
Petit célibataire un peu nègre et assez joyeux, ce titre d’un tableau réalisé en 1964 pourrait faire office d’autoportrait d’Hervé Télémaque dont l’art, aux tons volontiers humoristiques, n’a jamais confondu la gravité avec la lourdeur. L’homme ne savait pas rester en place : abstraction, surréalisme, Figuration narrative, abstraction de nouveau… Peintre, sculpteur, réalisateur d’assemblages et de mini-installations… L’artiste ne fut ni l’un ni l’autre, ni l’un sans l’autre.
Né en Haïti en 1937, il évoque ses origines et son rapport à la négritude tout au long de son œuvre. C’est à l’Art Student’s League de New York entre 1957 et 1960 que Télémaque fait ses classes. Il y est influencé par l’expressionnisme abstrait, celui violent, pratiqué par Willem de Kooning et surtout celui, qui garde encore des traces figuratives, d’Arshile Gorky. Déçu par l’ambiance raciste des États-Unis, il débarque en France en 1961 où il rencontre le surréalisme – autour d’André Breton – et fait un retour « sur » la figuration. Retour « sur » et non pas « à », car les objets qu’il manipule ou les personnages qu’il introduit, fragmentés, flottant sur les surfaces, sont davantage des signes que des représentations.
Cette manière de peindre fait que, même associé à Bernard Rancillac pour tenter de promouvoir une nouvelle forme artistique qui allait se développer sous le nom de Figuration narrative, son œuvre reste à l’écart. Certes, il partage un engagement politique avec les artistes comme Antonio Recalcati, Jacques Monory ou Rancillac, réunis à l’exposition qui fera date « Mythologies quotidiennes » (1964). Comme eux encore, il emprunte son langage plastique au monde de la publicité ou de la bande dessinée. Cependant, jamais simple chroniqueur de son temps, Télémaque échappe à tout récit linéaire. Ainsi, faites de couleurs franches, voire pimpantes, posées en aplats, ses formes, cernées par des contours nets, mais souvent abrégées, découpées, incomplètes, peu identifiables, suscitent les interrogations des spectateurs. Rébus ou puzzles picturaux, les œuvres énigmatiques et poétiques de Télémaque sont à l’image de la réalité sans être l’image de la réalité.
Dans les années 1970, l’artiste gagne en célébrité et expose dans les capitales européennes. En 1976, a lieu sa première rétrospective au Musée national d’art moderne à Paris et ses peintures entrent dans les collections des grands musées européens. Son œuvre fait une large place au collage et à l’assemblage ; objets quotidiens rapportés sur la toile à la manière des « Combine paintings » de Robert Rauschenberg, suivis par des représentations d’objets choisis pour leur caractère autobiographique : cannes, tentes, ceintures. Naturalisé français en 1985, il répond à des commandes publiques comme la fresque monumentale, Vallée de l’Omo, pour la Cité des sciences et de l’industrie de La Villette. En 2015, au moment de son exposition au Centre Pompidou, un hommage à une production plastique d’une jouissance explosive, Télémaque, contraint de s’y déplacer en fauteuil roulant, ne cachait pas son bonheur.
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Hervé Télémaque (1937-2022)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°599 du 18 novembre 2022, avec le titre suivant : Hervé Télémaque (1937-2022)