Hélène Carrère d’Encausse, historienne (1929-2023)

Paris. Née de parents immigrés en France de Géorgie après la révolution russe de 1917, Hélène Zourabichvili de son nom de naissance apprend le russe dès l’âge de six ans et se passionne pour l’histoire. Apatride depuis son enfance, elle est naturalisée française en 1950 et épouse Louis Édouard Carrère (dit Carrère d’Encausse) en 1952. Elle obtient un doctorat d’histoire à l’université de Paris-1 sous la direction du spécialiste du monde musulman Maxime Rodinson en 1963. Commence alors une riche carrière professionnelle, notamment à l’université Paris-1 où elle enseigne l’histoire. Mais c’est en 1978 qu’elle accède à la notoriété, avec son ouvrage L’Empire éclaté où elle annonce « la fin de l’URSS », s’appuyant sur les données démographiques. Devenue une spécialiste reconnue de la Russie, elle publie de nombreux ouvrages sur les républiques asiatiques de l’URSS et sur les dirigeants russes.

Dans les années 1990, elle entame une carrière politique, comme député européen sous la bannière RPR-UDF (1994-1999), et comme conseillère de Jacques Attali lorsqu’il préside la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) de 1991 à 1993. Avec la dislocation de l’URSS en 1991, elle apparaît comme une visionnaire et sa notoriété s’étend à l’international : de prestigieuses universités l’invitent régulièrement et lui octroient le titre de « Docteur Honoris causa » (université Saint-Joseph de Beyrouth, université de Montréal). Elle reçoit de nombreuses décorations en France (Légion d’honneur, arts et lettres) et à l’étranger (Espagne, Belgique).

Élue à l’Académie française en 1990 au fauteuil 14, elle en devient « secrétaire perpétuel » en 1999, fonction qu’elle occupe jusqu’à son décès, le 5 août dernier. De tendance conservatrice, Hélène Carrère d’Encausse s’oppose dans un premier temps à la féminisation des noms de métiers et fonctions, avant d’assouplir sa position à partir de 2017, sauf au sujet de sa propre fonction.

Malgré son expertise, ses positions envers la Russie de Vladimir Poutine lui valent de fréquentes critiques à partir de 2014, lorsqu’elle refuse le terme « annexion » pour qualifier la situation en Crimée. Ses adversaires notent qu’elle se rend régulièrement en Russie, et qu’elle y a reçu à plusieurs reprises des honneurs et décorations : elle est membre de l’Académie des sciences de Russie, membre d’honneur de l’Académie russe des beaux-arts, et est récipiendaire en 2008 de la médaille Lomonossov (Académie des sciences de Russie). Par ailleurs, en 2017, elle entre au comité d’éthique de la chaîne RT France, réputée très proche du pouvoir russe : face aux critiques, elle en démissionne rapidement. En février 2022, quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine, ses doutes sur l’imminence d’une attaque font scandale (elle a ensuite changé de position pour condamner l’invasion russe).

À son décès, Vladimir Poutine a salué « une grande amie de la Russie », tandis qu’en France Emmanuel Macron la qualifiait d’« historienne majeure » saluant « son legs immortel ». La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a rappelé qu’elle était une « Européenne convaincue » et tous ont souligné l’importance de ses travaux pour l’histoire de la Russie.