Belgique - Restitutions

Guido Gryseels : "Nous pourrions envisager des restitutions aux pays africains sous certaines conditions"

Par Éric Tariant · L'ŒIL

Le 21 janvier 2019 - 568 mots

Guido Gryseels est le directeur du Musée royal d’Afrique centrale depuis 2001. Celui-ci a été rebaptisé Africa Museum lors de sa réouverture en décembre 2018.

Le Musée royal d’Afrique centrale, rebaptisé Africa Museum, a rouvert ses portes à Bruxelles en décembre dernier, après cinq années de travaux, en pleine période de débat sur la restitution d’œuvres d’art à l’Afrique. Comment l’Africa Museum aborde-t-il la question coloniale ?

Guido Gryseels Nous abordons le passé colonial de la Belgique avec un regard beaucoup plus critique qu’avant. Notre exposition permanente n’ayant pas changé depuis les années 1950, le musée reflétait toujours le regard que portait la Belgique sur l’Afrique lors de la décolonisation. Nous prenons, aujourd’hui, nos distances avec le système colonialiste, ce système de gouvernance immoral que nous condamnons fermement.

N’a-t-il pas été difficile de décoloniser ce musée si marqué par son passé colonial ?

Cela a été le plus grand des défis auxquels nous avons été confrontés. Nous nous sommes efforcés de contextualiser certaines pièces, comme cette statue surmontée du texte « La Belgique apportant la civilisation au Congo ». De nombreuses citations de Léopold II, inscrites dans la pierre, soutiennent que « la colonisation était une mission de haute civilisation ». Nous nous sommes attelés à expliquer aux visiteurs le contexte et la signification de ces propos. Nous avons aussi demandé à des artistes contemporains africains de créer des œuvres qui contrastent avec ce passé colonial. Nous avons également beaucoup eu recours à des dispositifs multimédias pour expliquer ce passé sombre.

Qui a été chargé de raconter la période de la colonisation dans les salles du musée ?

Toutes ces salles ont été conçues par des scientifiques.

Des chercheurs africains ont-ils été associés à leur conception ?

Dès le début du processus de rénovation, nous avons systématiquement associé des scientifiques africains et des représentants des diasporas africaines. Nous avons notamment beaucoup travaillé avec Jacob Sabakinu Kivulu, professeur d’histoire à l’université de Kinshasa.

Comptez-vous des chercheurs d’origine africaine au sein de vos équipes ?

Huit pour cent de nos scientifiques sont originaires d’Afrique centrale. Chaque département compte au moins deux scientifiques d’origine africaine. Leurs effectifs devraient encore s’accroître dans les prochaines années.

Quelle est votre ligne directrice en matière de restitution des œuvres d’art qui ont quitté l’Afrique en pleine période coloniale ?

Nous sommes ouverts et constructifs dans la discussion. J’invite toutes les parties à se réunir autour d’une table. Le président de la République française Emmanuel Macron a raison de s’indigner du fait que 80 % du patrimoine africain se trouve en Europe. Il faut absolument assurer un accès plus facile et plus large des musées africains à ces collections. Nous pourrions envisager des restitutions sous certaines conditions, mais aussi organiser des expositions itinérantes ou conjointes et des prêts à long terme.

Musée colonial 

Avant sa fermeture en vue de sa rénovation complète, en décembre 2013, le Musée royal d’Afrique centrale était considéré comme le dernier musée colonial au monde.
+ 4 000 M2

 

Les travaux de rénovation et d’aménagement du musée ont permis d’agrandir considérablement les espaces d’exposition dont la superficie totale est passéede 6 000 à 10 000 m².

 

Création Pour faire contrepoids à l’image de propagande inscrite dans la pierre du musée, une sculpture, le Congo bourgeonnant, a été commanditée à l’artiste congolais Aimé Mpane : une énorme tête d’Africain vue de profil, installée dans la rotonde, de manière à replacer l’Africain d’aujourd’hui au centre de l’institution.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Guido Gryseels : "Nous pourrions envisager des restitutions aux pays africains sous certaines conditions"

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