Même si le réaménagement des salles a permis d’exposer des œuvres jusqu’alors en réserve, le Petit Palais est un musée à échelle humaine. Entretien avec Gilles Chazal, son conservateur.
Après cinq années de fermeture, que va-t-on découvrir de nouveau au Petit Palais ?
Le bâtiment et son décor constituent la première œuvre offerte au regard des visiteurs. Jusqu’à présent, le bâtiment donnait l’image d’un lieu très sombre mais aussi très passéiste, que le public ne regardait même plus. Au fil du temps, toutes les salles avaient été réduites, les plafonds surbaissés, les ouvertures occultées.
Or, au-delà de cette apparence, l’édifice est très moderne, par ses matériaux, l’amplitude de ses volumes et l’importance accordée à la lumière du jour. Les travaux ont notamment permis de rouvrir toutes les baies, ce qui permet de recréer de nombreuses perspectives visuelles. Je pense que ce sera déjà une vraie surprise pour nos visiteurs.
Parallèlement, quel chantier avez-vous mené sur les collections ?
Les salles d’exposition permanentes étaient très vétustes, désuètes et beaucoup d’entre elles avaient été progressivement fermées. Le public ne venait plus que pour les expositions et ne regardait même plus nos collections. Les travaux nous ont permis de gagner 2 000 m2 supplémentaires, ce qui va nous permettre de présenter des œuvres très peu montrées jusqu’à présent, comme notre collection d’antiques.
Par ailleurs, depuis quelques années, le musée a bénéficié de quelques donations importantes, dont un ensemble exceptionnel d’icônes légué en 1998 par Roger Cabal. Nous avons aussi procédé à des achats, dans le domaine des arts décoratifs par exemple, afin de compléter nos salles. Il s’agissait de renforcer les axes existants, pas d’en créer d’autres.
Quels sont justement les points forts de vos collections ?
Le musée s’est constitué à partir d’un fonds municipal d’art contemporain, essentiellement constitué à partir de 1870 par commandes et achats. Il détient donc un ensemble considérable consacré à l’art français de la fin du xixe siècle jusqu’à 1914, qui comprend toutes les grandes révolutions esthétiques de cette période. Son seul talon d’Achille concerne les avant-gardes fauves et cubistes, qui ont rejoint le musée d’Art moderne de la Ville de Paris lors de sa création.
Par ailleurs, grâce à des donations, notamment celle des frères Dutuit, nous disposons d’un important fonds d’art ancien, enrichi en 1930 par la collection Tuck, consacrée au XVIIIe siècle. Nous n’avons pas la prétention de couvrir un champ universel. Comme son nom l’indique, le Petit Palais est un musée à échelle humaine, une « maison des beaux-arts ».
Comment organiser un tel éclectisme en un parcours cohérent ?
Nous articulons notre propos sur la modernité. Tout d’abord, en rez-de-jardin, nous évoquons, dans les vastes salles historiques, les arts autour de 1900. Mais j’ai souhaité que la galerie Tuck, avec ses boiseries du xviiie siècle, ne bouge pas. Par respect pour les donateurs mais aussi pour montrer au public que les grands amateurs, autour de 1900, collectionnaient des œuvres du xviiie siècle !
Au rez-de-chaussée, les salles se jouxtent pour montrer l’idée d’un renouvellement des arts. Tout en conservant un certain parcours chronologique, les ouvertures entre les salles nous permettent de montrer les correspondances qui peuvent exister entre les grands moments artistiques. De mettre en résonance, par exemple, les antiques et l’art de la Renaissance, ou l’art médiéval et l’art troubadour du xixe siècle.
En mélangeant également les techniques ?
Oui, nous mélangeons la peinture, la sculpture et les objets d’art. L’objectif est de stimuler l’œil du visiteur. Comme toutes ces collections sont gratuites d’accès, il s’agit de faire en sorte que le public puisse découvrir à chaque visite de nouvelles confrontations. Nous donnons donc à voir et à penser. C’est là tout le sens de mon projet de rénovation, que j’ai résumé ainsi : expérience de la beauté ; intelligence du sens et enfin désir de création.
Nous allons en effet maintenir la présence de la création contemporaine, comme nous le faisions avant la fermeture. C’est une question de conviction. Les musées ont été créés, à l’origine, pour la formation des artistes. Notre idée est de montrer que les musées ne sont pas des lieux arides et qu’ils peuvent continuer à stimuler la création.
Quelles seront les expositions temporaires ?
Depuis la fin des années 1950, le Petit Palais a toujours accueilli de grandes manifestations consacrées aux civilisations étrangères. Dès 2006, nous continuerons dans cette voie, avec une grande exposition sur le Pérou préhispanique puis, en 2008, une sur le zen. Mais nous mettrons aussi en valeur nos collections, en montrant notamment notre formidable fonds de gravures de Rembrandt, issues de la donation Dutuit, qui n’ont plus été montrées depuis 1986. Enfin, dans le cadre d’une volonté d’ouverture à la photographie, nous accueillerons une partie de l’incroyable collection historique de Manfred Heiting, conservée au musée des beaux-arts de Houston.
Informations pratiques Le Petit Palais est ouvert tous les jours sauf le lundi et les jours fériés de 10 h à 18 h, des nocturnes sont proposées le mardi jusqu’à 20 h. L’entrée est gratuite pour la visite des collections permanentes. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, avenue Winston Churchill, Paris VIIie, tél. 01 53 43 40 00, www.petit-palais.paris.fr
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Gilles Chazal : Une maison des beaux-arts à échelle humaine
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°576 du 1 janvier 2006, avec le titre suivant : Gilles Chazal : Une maison des beaux-arts à échelle humaine