François Lorenceau, antiquaire et expert en tableaux modernes, est le dernier maillon d’une lignée de quatre générations de marchands de tableaux qui a débuté en 1866. Directeur de la galerie Brame & Lorenceau depuis 1990, il est aussi administrateur de la Maison des artistes et secrétaire général du Salon du dessin. Il commente l’actualité.
La 26e édition de la Foire de Maastricht a fermé ses portes il y a quelques jours. Quelles sont selon vous les clés du succès de cette foire qui est devenue la première au monde en l’espace de vingt-trois ans. Un certain nombre de marchands parlent d’un cru 2001 plutôt morose. Qu’en pensez-vous ?
C’est une foire qui s’est construite progressivement. Elle est partie d’une volonté locale forte. Et à force de travail, de conviction et de persévérance, elle s’est lentement imposée pour devenir un événement incontournable. C’est une foire qui a une vocation d’universalité et qui exerce une sélection vigilante tant sur les galeries que sur les objets. L’édition 2001 n’a sans doute pas été aussi exceptionnelle pour les marchands que l’an dernier. En effet, le marché est très sensible aux fluctuations économiques. Un collectionneur peut retarder son achat en période d’incertitude économique, mais son désir d’acquisition sera seulement différé s’il est un véritable amateur.
Le Salon du dessin a fêté ses dix ans cette année. A-t-il contribué à changer le paysage du marché français du dessin ? Dans quelle mesure ?
Il existait déjà de petits salons à l’étranger, mais ils n’avaient pas percé en raison de leur trop forte spécificité ou de leur manque d’envergure. Le Salon du dessin est parvenu progressivement à attirer les meilleures galeries mondiales dans cette spécialité. Et à constituer une sorte de carrefour rassemblant pendant quelques jours des spécialistes du monde entier. La venue des conservateurs de grands musées étrangers à Paris et les bonnes relations qu’ils ont nouées avec les marchands français ont sans doute contribué à donner une cohésion nouvelle entre conservateurs français et acteurs du marché de l’art. Le salon se renouvelle partiellement à chaque édition en accueillant par roulement des galeries qui n’exposaient pas l’année précédente. Pour 2001, la sélection de dessins italiens était particulièrement riche. Notre objectif est de montrer des feuilles rares et d’exception pour chaque édition.
Des bruits courent que la Biennale des antiquaires pourrait devenir annuelle. Est-ce un projet sérieux ?
C’est une évolution à laquelle il n’est pas interdit de réfléchir. Mais si la manifestation devenait annuelle, ne risquerait-elle pas de perdre en qualité ? Les sources d’œuvres de qualité sont limitées. N’est-il pas préférable de montrer des objets exceptionnels une fois tous les deux ans, qu’une sélection moins riche tous les ans ? Aucune décision n’a encore été prise.
Les chefs-d’œuvre se font de plus en plus rares sur le marché ?
Le marché de œuvres d’art est extrêmement compétitif. La France était historiquement un très important gisement d’objets d’art tant en matière de mobilier des XVIIe et XVIIIe siècles que de tableaux anciens et modernes. Ces gisements ont malheureusement tendance à se tarir en France, et ce, au profit de pays comme les États-Unis qui en ont fait l’acquisition depuis un siècle. Il sort aujourd’hui moins de tableaux d’artistes français de l’Hexagone que d’Amérique du Nord. Il s’agit moins de défendre notre patrimoine que de reconquérir les objets qui se trouvent sur le marché international.
Le projet de ratification de la convention Unidroit devrait être examiné prochainement par la Commission des lois de l’Assemblée nationale. Quelle est votre position sur ce texte ?
Comme marchands de tableaux, nous ne sommes pas directement impliqués par cette convention mais nous soutenons les positions de nos confrères qui s’alarment de la méconnaissance des phénomènes de marché et de la circulation des biens culturels. Elle révèle aussi le manque de concertation qui a présidé à son élaboration. Les intentions initiales sont plus que louables mais la mise en forme est critiquable.
La campagne électorale qui a précédé les élections municipales a montré un relatif désintérêt des candidats à l’égard de la culture et en particulier de la création contemporaine, son parent pauvre. Qu’attendez-vous du changement de municipalité à Paris par exemple ?
Un renouveau est inéluctable après ces élections en raison de l’arrivée de compétences nouvelles. Il faut faire confiance à cette nouvelle équipe et les encourager à maintenir Paris au premier plan mondial sur le plan culturel. Dans cet objectif, il importe de poursuivre la restructuration et la rénovation du Petit Palais comme celle du Grand Palais. C’est une nécessité tant pour Paris que pour la France. Il faut qu’il y ait une prise en charge de l’État de façon que ce lieu puisse continuer à recevoir des manifestations d’envergure sans pour autant faire peser le contrecoup de ces travaux coûteux sur les visiteurs et sur les exposants.
Dans cette même idée, que pensez-vous de l’intervention croissante des collectivités locales dans la sphère culturelle...
C’est une bonne chose. Le fait, par exemple, que des conseils généraux apportent leur soutien financier à des musées départementaux pour acquérir des œuvres d’art et organiser des expositions culturelles ne peut être que profitable aux administrés.
... et de l’initiative de personnes privées – François Pinault, mais aussi probablement Bernard Arnault – de se positionner en tant qu’acteurs de la diffusion culturelle en créant des fondations ?
Ce sont des initiatives intéressantes. Des fondations privées comme celle d’Ernst Beyeler à Bâle fonctionnent très bien et attirent un public nombreux. L’État ne doit pas obligatoirement se substituer aux personnes privées.
Des expositions vous ont-elles marquées dernièrement ?
J’ai trouvé très intéressante l’exposition “Picasso érotique” à la Galerie nationale du Jeu de Paume. C’est un ensemble très complet allant des dessins les plus subjectifs aux œuvres les plus affectives. Cette sélection permet d’embrasser l’ensemble de l’œuvre du peintre à travers les méandres d’une vie sentimentale pour le moins agitée.
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François Lorenceau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : François Lorenceau